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Par D.Salmon Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Il a fallu attendre 1989 pour que la Convention internationale des droits de l'enfant adoptée dans le cadre de l'ONU interdise la peine de mort pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de dix-huit ans.
A Bordeaux, un jeune garçon, probablement faible d'esprit, est guillotiné le 18 juin 1840. Il a 17 ans.


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Le 23 novembre 1839, au matin, un enfant de 12 ans entre dans une maison du village de Pontet, dépendant de Cartelègue, petite commune viticole située au nord de Blaye. Il a la mâchoire facturée et le visage ensanglanté. Il raconte que sa famille a été victime d'une agression dans la nuit. Bien qu'il ait reçu un coup de barre de fer qui l'a assommé il a pu apercevoir un voleur fouillant l'armoire de la chambre des parents. Dans la maison familiale on retrouve les corps de Jacques Arnaud Faurien, son épouse Marie et leur fille Jeanne, âgée de 9 ans. Tous trois ont été assassinés à l'aide d'une pince monseigneur.

Les soupçons des gendarmes se portent rapidement sur un des anciens domestiques : Jean Dubois. Il nie tout et dénonce trois autres ouvriers. Il se défend mal. Les deux enfants survivants le reconnaissent formellement. L'un deux précise même qu'il a crié, en l'attrapant : " Ah ! Gredin, tu ne m'échapperas pas !"

Jean Dubois est petit, il a le front bas et une barbe naissante. Il est né le 3 mars 1823 à Saint Barthélémy, près de Montpon en Dordogne. Il est donc âgé d'un peu plus de 16 ans le jour du crime.

Il avait rencontré son employeur deux mois plus tôt et lui donnait satisfaction. Deux jours avant le crime un incendie s'était déclaré dans une grange. L'épouse, méfiante, n'avait pas quitté sa maison de crainte d'être volée.

Le procès s'ouvre le 4 juin 1840 devant la cour d'assises de Bordeaux. L'affaire est vite expédiée. Malgré la plaidoirie de son avocat Me Worms, Dubois est condamné à la peine capitale pour incendie, assassinat, tentative d'assassinat et vol qualifié. Sur le jugement les mots "17 ans révolus" (1) sont bien marqués, comme si la cour voulait se justifier par avance d'envoyer un enfant à la mort.

L’échafaud est monté place d'Aquitaine (2) dans la nuit du 18 juin 1840. A 5 heures, dans sa cellule du fort du Ha, le greffier vient lui signifier le rejet de son pourvoi. Il ne comprend pas ce qu’on lui dit. Il rit quand on lui enlève ses fers. Il explique comment il attrape les souris, la principale occupation de sa détention. Il veut donner son bonnet grec, mais personne n'en veut. Il a un peu d’argent et demande à ce qu’il soit distribué aux prisonniers les plus pauvres. Il boit un verre de liqueur. Il n’oppose aucune résistance et baisse la tête tranquillement pour qu’on lui coupe les cheveux.

Le jour se lève. Les rues de Bordeaux sont encombrées. Malgré l’heure matinale, les gamins sont nombreux à suivre le funèbre cortège qui mène au lieu du supplice.

Il semble que les préparatifs aient duré longtemps, comme pour prolonger son agonie. Il monte avec résignation à l’échafaud ; pourtant ses larmes coulent abondamment. L’abbé Promis, le fidèle aumônier des prisons, pleure avec lui.

Le greffier de la Cour constate que "l'exécuteur des arrêts criminels avait amené, sous l'escorte de la gendarmerie, le nommé Jean Dubois, condamné à la peine capitale, et lui avait tranché la tête sur un échafaud dressé à cet effet. Cette exécution a eu lieu à six heures trente-cinq minutes du matin "(1). Le cadavre est aussitôt transporté au cimetière.

Le courrier de Bordeaux ajoute : "Dubois est mort comme il a vécu, dans une sorte d’abrutissement" (3)

C'est le plus jeune guillotiné à Bordeaux et certainement l'un des plus jeunes en France.

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1. Archives départementales de la Gironde. 2 U 862. 4 M 233
2. Aujourd'hui place de la Victoire
3. Le courrier de Bordeaux. Bibliothèque de Bordeaux.


(01/2014)