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Par Girondine

A découvrir aux archives départementales dans la série R (affaires militaires) : des sociétés de gymnastique dans chaque commune… ou presque.
Pourquoi figurent-elles dans cette série, un peu particulière ?

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Un peu d’histoire : après la défaite cuisante de la guerre de 1870, les gouvernements successifs ont reconnu la nécessité de préparer les jeunes hommes aux activités militaires, de forger des citoyens-soldats pétris de civisme et de patriotisme.
D’où l’éclosion de sociétés de gymnastique, associées ou non à des sociétés de tir, regroupées en fédérations, plus ou moins en concurrence. Inscrites dans un projet de préparation militaire, leurs activités, subventionnées en partie, relevaient du ministère de l’intérieur et du ministère de la guerre.
En filigrane les documents font apparaître des luttes d’influence, attisées par les affrontements des diverses fractions du corps social.
En Gironde, comme partout en France, des groupements sportifs ont vu le jour, parfois brièvement, même dans de très modestes communes. Qu’importe leur durée de vie, et leur mode de fonctionnement, ils ont joué un rôle qu’il serait regrettable de négliger.

Où trouver la docupmentation ?
Par internet, sur le site des Archives départementales de la Gironde, aller sur Gaël et dans la rubrique « recherche simple », taper « Sociétés de gymnastique » et se diriger dans la série R, plus précisément 1 R 104 à 123. Il sera aisé de repérer pour Bordeaux : le Burdigala Rowing Club (aviron) 1878 – 1887, le BEC (1933), la Cavalerie Escadron Gironde (1908-1914) etc.. Ceux qui s’intéressent aux autres communes découvriront le Vélo barcasais (1895), le Comité des régates de Blaye (1883), la Société de tir de Carignan (1909) et la pédale Farguaise (1898), etc . Certaines de ces sociétés n’avaient aucun lien avec la préparation militaire. Citons les activités liées à l’aviron ou aux régates.
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Que peut-on trouver dans les dossiers ?
Ils sont très succincts : quelques feuilles le plus souvent.

Une déclaration étant obligatoire, statuts et liste des membres fondateurs (notables, militaires ou simples particuliers) permettent une première approche. Une ou des listes de sociétaires peuvent compléter l’information. Parfois quelques notes sur leurs opinions politiques.

Il ne faut pas s’étonner de trouver des traces de distributions de cartouches, de fusils, ces sociétés ayant souvent pour mission de préparer les jeunes gens aux exercices militaires.
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On peut déplorer que ces petits dossiers trop succincts ne permettent pas de faire l’historique des sociétés. Ils restent cependant une source inattendue d’informations. On peut citer en exemple la composition de la société de tir de Bacalan.

Membres du club de la société de Tir de Bacalan (1 R 111).

Nom
Prénom
Profession
adresse
Castagnet Jules Commis négociant 77, quai de Bacalan
Lacome Ernest Commis négociant 68, quai de Bacalan
Simon Léon Négociant 7& 8, quai des Docks
Bergès Pierre Restaurateur 10, quai des Docks
Ramet Jean Horloger 79, quai de Bacalan
Chaffaud Jean Employé 29, rue Henri IV
Bauger Jules, Joseph Agent d'assurances 29, rue des Bahutiers
Sarthe Louis Valet de chambre 144, rue Fondaudège
Degorce Léonard Outilleur 11, rue du Noviciat
Rey François Cafetier 3, rue Dudon
Bonnet Jean Epicier 93, quai  de Bacalan
Catherineau Achille Menuisier 69, rue de Lormont
Richaud Auguste Buraliste 101, quai de Bacalan
Mercier Edouard Coiffeur 101, quai de Bacalan
Cazenave Romain Négociant 103, quai de Bacalan
Gavichot Firmin Sabotier 102, quai de Bacalan
Souillac Julen Restaurateur 1, rue de Lormont
Lagane Achille Employé de commerce 98, quai de Bacalan
Nates Louis Restaurateur 10, rue Lucien Faure
Legoff François Restaurateur 110, quai de Bacalan
Moreau Gaspard Débitant 88, quai de bacalan
Maysonnave Joseph Débitant 17, rue des Antilles
Tessier André Boucher 4, rue Lucien Faure
Théron Joseph Chaudronnier 5, rue Lucien Faure
Dupin Achille Mécanicien 34, rue Frenay
Souilhac Frédéric Propriétaire 35, rue Arago
Regnier Jérome Contre maître marine 33, rue Delbos
Bizet Auguste Ferblantier 15, rue de Lormont
Colnot Ernest Restaurateur Rue Lucien Faure
Mauties Ernest Horloger 155, rue Ste Catherine

 

« Clérical », « Anti-républicain », telles étaient les notes que l’on peut parfois trouver apposées en regard des noms des présidents ou administrateurs. Avec aussi une mention « favorable » ou « non favorable » pour ce qui relevait de subvention ou reconnaissance. Ces annotations étaient le reflet des divers courants d’anticléricalisme qui ont marqué les décennies concernées. (1880 - 1939).

Vers 1908, des textes législatifs dont nous n’avons pas trouvé la teneur avaient suscité des réactions diversifiées selon les convictions de l’un ou de l’autre camp. Sous la cote 1 R 90, on lira avec intérêt les réactions enflammées de M.de Pelleport (« clérical ») après lecture d’une circulaire de 1908. A la même époque, M. Cazalet (« anti clérical »), éminente personnalité bordelaise (il fut pendant 35 ans président de l’Union des Sociétés de gymnastique de France) soutenait avec véhémence la position gouvernementale.

L’arrivée du Cartel de Gauches, en 1924 avait suscité la rédaction d’une circulaire en date du 29 octobre 1924 (1 R 90). Elle reprenait un texte de 1909 :
« Pour conserver à ces sociétés un caractère indispensable d'absolu loyalisme envers nos institutions il importe qu'elles soient constituées par des citoyens résolus à ne pas les laisser dégénérer en instruments d'une politique d'opposition à la République Un certain nombre d'exemples permettent de penser que l'administration préfectorale n'a pas encore saisi dans tous les départements le double devoir patriotique et républicain qui lui commande à cet égard une action prompte et persistante. Avec la certitude du concours moral et de l'aide matérielle du gouvernement, vous aurez à cœur, j'en suis convaincu, de mener à bien cette tâche ».
Elle précisait : « Vous voudrez bien me désigner également celles des sociétés qui n'observent pas la stricte neutralité politique et confessionnelle qui leur a été imposée par les textes précités. »
La suite : une série d’avis défavorables pour l’agrément d’un certain nombre de sociétés. Citons « La Phalange réolaise », « les Francs » du Bouscat et « L’Etoile » de Saint -Laurent-Médoc. etc.

Afin de donner les agréments, une commission avait été créée. Parmi ces membres, on peut relever les noms des chefs de bataillon Garnal et Massoube.
Voici quelle était l’appréciation portée sur eux par le Commissaire Central.
« Le Commandant Garnal, notamment, m'est indiqué comme ayant des opinions politiques hostiles aux institutions républicaines qu'il combat en favorisant les patronages catholiques (subventions majorées, avis favorables d'agrément). Faux, sournois, on lui prête la mentalité du parfait jésuite.
Le Commandant Massoube affiche des sentiments républicains; il déclare soutenir et encourager les sociétés laïques, il lit ostensiblement le "Quotidien"; mais on m'assure qu'il n'est pas sincère dans ses opinions et qu'il y a intérêt à ne lui accorder qu'une confiance très limitée. Il est en excellents rapports avec le Lieutenant Abadie, de l'IP, récemment mis en congé, nettement hostile à la République.
Ces deux officiers supérieurs, tous deux arrivistes escomptent le retour prochain d'un gouvernement de droite ».

 

A la même époque, le Commissaire central dans une note adressée au Préfet soulignait que « les patronages catholiques …sans faire ouvertement de la propagande politique ou religieuse s’insinuent dans les familles, voire même républicaines pour faire du recrutement ».
Depuis plusieurs décennies, en effet, les patronages religieux étaient en effet dans la ligne de mire des anticléricaux.

Les patronages en Gironde : un enjeu.
Un courrier adressé le 24 novembre 1924 par le Commissaire Central au Préfet présentait la liste des griefs adressés aux patronages catholiques : « Ceux-ci (les patronages catholiques) ont leurs caisses alimentées par les catholiques et les réactionnaires : les enfants ont leurs costumes donnés gratuitement. Ils participent sans aucun débours à toutes les sorties, soit de concours, soit de promenades diverses, et lorsqu’ils sont en âge de travailler, on leur procure un emploi ». La disponibilité du personnel ecclésiastique est relevée : un avantage par rapport aux dirigeants laïques qui exercent une profession.
On peut consulter utilement dans une autre série (1 R 518) des fiches ou petits dossiers relatifs aux patronages catholiques de la Gironde.pour la période 1908 – 1909. On y découvrira des correspondances hostiles le plus souvent à ces patronages.
L’affaire des « Enfants de Roland » peut être citée en exemple. Il y avait eu le refus du sous-préfet d’accorder un terrain pour une manifestation organisée à Blaye par le patronage catholique. Le conseiller général avait vivement réagi : un extrait de lettre adressée au sous-préfet avait été publié dans la presse locale. La population était prise à témoin ; certains commerçants étaient menacés de boycott…

Pour en savoir plus sur la naissance des patronages à BordeauxAUGUSTIN (Jean-Pierre), « Les patronages bordelais dans le mouvement sportif du début du siècle », Revue Historique de Bordeaux et de la Gironde, Bordeaux (1982), p. 125-133.Sommaire :
  • Les premières sociétés sportives et gymniques bordelaises.
  • Les écoles et les œuvres laïques face aux patronages catholiques.
  • Les patronages dans le mouvement sportif (œuvres laïques, patronages catholiques).
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01/2013