Par M.Lambert.
ADG 3 E 46820
12 décembre 1782 N° 45
Apprentissage Claveau-Darriet
Devant le notaire Royal
en guienne Soussigné en presentce des temoins bas
nommés fut present André Claveau natif de
la parroisse de St Selve, et habitant de la parroisse
de Saint Morillon
Lequel s'est mis de sa bonne volonté pour
serviteur et apprentif chez Thomas Darriet
sabotier habitant de lad parroisse de St Morillon
a ce present et acceptant lequel apprentissage
doit durer pendant lespace de deux ans, a compter
le six huit de ce mois, pendant lequel temps ledit
Darriet promet et s'oblige de nourrir a son pot
feu et ordinaire, coucher, blanchir, et éclairer, ledt
aprentif et de luy montrer led metier de sabotier
au mieux de son pouvoir et led aprentif sera
tenu de son coté de travailler aud metier et
d'obeir led darriet son maitre en tous les
commandements licites et honnetes qu'il pourra
luy faire concernant led metier de sabotier
et si durant lesd deux ans led aprentif
venait a etre malade d'une maladie qui
durat plus de huit jours led aprentif
promet et s'oblige de se faire soigner et
medicamenter a ses frais et depensmais si la maladie ne durat pas plus de
huit jours led Darriet s'oblige de luy fournir
les bouillons et autres choses propres a sa
maladie sans pouvoir rien exiger dudit
aprentif les remedes chirurgicaux et peines et
soins des chirurgiens qui seront le tout a la
charge dud aprentif
Il est aussy convenu que si led aprentif
venoit a quitter led Darriet son maître sans
sujet legitime led aprentif promet et s'oblige
de fournir aud Darreit un garçon en remplacement
son remplacement pour completer le temps qui
restera à expirer dud deux ans qui sera
aussy en etat de travailler aud metier que
pourra l'etre led aprentif lorsqu'il sortira
de chez led Darriet suposé que cella arrive
et si led aprentif pert aussy du temps pour
setre absenté ou autrement duranr les deux
années il sera tenu de les remplacer a la fin
dud apprentissage.
Cet apprentissage ainsy fait pour
et moyennant le prix et somme de
soixante livres, laquelle led Claveau
aprentif a presentement et rellement compté
sur les presentes et ce en dix ecus de six
livres piece, le tout de cours faisant justementlad somme que led darriet a compté, nombré,
pris et a la vue de nous notaire et
témoins s'en contente en tout et promet faire
tenir quitte led aprentif envers et contre
tous a peine de tous depens domages et nterets
Convenu qu'au cas que led aprentif soit
obligé de partir pour le service du Roy
avant les deux années expirées, led Darriet
promet et s'oblige de luy rembourser # le plus
de l'argent au prorata de ce qu'il aura resté
en aprentissage et ce pour cette cause et
non autrement faisant partie et etant
substanciele des presentes.
Car ainsy le tout a été convenu entre les dittes
parties qui obligent, affectent et hypothequent
chacune en ce qui les concernent tous leurs
biens meubles et immeubles presens et
avenir quelles ont soumies a justice. Fait
et passé au bourg de La Brède dans
la maison de mad reaud, l'an
mil sept cent quatre vingt deux
et le troisième du mois de décembre
après midy en presence de arnaud
plassan thonnelier hab de la parroisse
de Beautiran et du sr Jean Baptiste Boyreaumarchand habitant de la parroisse de St Morillon,
et du sr Antoine Dantiey agent de M. de
Secondat heb du chateau et appoisse
de labrède, témoins a ce requis, led claveau
aprentif a déclaré ne scavoir signer de ce
par nous interpellé et led Darriet
et temoins ont signé avec nous
# le surplusDarriet Dantey BoyreauAr naud Plassan
(05/2014)
Saint Morillon et Barsac - fin du 18ème
Par M. Lambert Sabotier, un « état » enviable ? On peut trouver dans les archives notariales des traces de contrat pour acquérir la pratique de ce métier. Quelques exemples.Apprendre le métier de sabotier à Saint Morillon : deux contrats ont été relevés parmi d’autres. Ils concernent l’apprentissage du métier de sabotier de deux jeunes garçons. |
Contrat Claveau-Darriet
Le premier signé en 1782 précise les conditions de l’apprentissage chez le sieur Thomas Darriet ( 32 ans) du jeune André Claveau. Ce dernier se présente seul, sans doute un jeune adulte. (Nous n’avons pas trouvé son acte de baptême à Saint Selve. Acte de mariage des parents en 1758, le père est vigneron.)
Darriet logera, « nourrira à son pot et feu», etc. et apprendra à son apprenti le métier de sabotier. Ceci pendant deux ans.
En cas de maladie : moins de 8 jours, Darriet lui fournira les bouillons et « autres choses propres à sa maladie » mais ne participera pas aux « remèdes chirurgicaux ». Au delà de 8 jours, André Claveau se fera soigner « à ses frais et depens ».
Absences ou départ avant la fin de l’apprentissage : André Claveau devra fournir un remplaçant.
Coût de l’apprentissage : 60 livres payées comptant.
Clause particulière : il est envisagé l’éventualité d’un départ « pour le service du Roi ». Un remboursement au prorata est prévu.
Contrat Amanieu-Laurens Autre contrat signé en 1790. Bernard Amanieu vigneron de Saint Morillon confie son fils Pierre à Pierre Laurens, sabotier. L’apprenti sera « nourri, eclaire, chauffe, etc. » pendant deux ans. A noter que le contrat a été signé le 28 fevrier 1790 alors que l’apprentissage avait débuté depuis le 2 novembre 1789. Une période d’essai ? Le père doit fournir un outil nommé « piquanot » et un couteau qui seront récupérés à la fin de l’apprentissage. En cas de perte, le père doit les remplacer. Interruption de l’apprentissage : le père s’engage à faire revenir son fils chez son maître ou à payer un remplaçant. Coût de l’apprentissage : 60 livres, payées comptant. Le sabotier Laurent donnera « à ses frais et depens » au jeune Pierre Amanieu « une pere de souliers neufs et deux tabliers de peau, un desquels tabliers led Amanieu a deja reçu et s’ensert ».Thomas Darriet et Pierre Laurent ne travaillaient pas dans les bois, comme il est écrit bien souvent à propos de sabotiers. L’un et l’autre exerçaient leur activité dans leur paroisse, chez eux, dans le bourg. Ils n’étaient pas les seuls, loin de là. Peut-on parler d’une petite industrie locale ? Cette paroisse située en zone relativement humide pouvait tirer parti de quelques essences de bois très favorables à la fabrication des sabots. Citons l’aulne ou vergne, un bois léger, facile à travailler et résistant à l’humidité. Le fils de Thomas Darriet, sabotier lui aussi, recevra en 1805 lors de son mariage, « six charretées de bois de vergne pour faire des sabots » (ADG 3 E 46944) |
Apprendre le métier de sabotier à Barsac en 1779
Contrat Lasauvague – Boireau
A Barsac, Jean Boireau, sabotier, a passé contrat pour prendre en apprentissage Thomas Lasauvague. Des recherches complémentaires préciseront que le jeune homme dont il est question est âgé de 17 ans, et qu’il est le deuxième fils de Bernard Lasauvague, tonnelier et vigneron, habitant Preignac.
Durée du contrat : 3 ans. L’apprenti sera nourri, couché et chauffé. Il n’est pas précisé qu’il sera « blanchi ».
En cas de maladie de moins de 15 jours, Jean Boireau devra le nourrir. Par contre les frais de maladie et de chirurgie seront à la charge du père.
Journées « perdues » par la faute de l’apprenti, elles devront être compensées.
Si Thomas vient à quitter son maître avant la fin du contrat, lui ou son père devra fournir au sieur Boireau « « un ouvrier ... d’égalle force et scavoir » ou « payer et rembourser ... le salere du travail dud ouvrier ».
Coût de l’apprentissage : 300 livres payable en partie comptant et le reste dans 18 mois. C’était une somme assez importante.
On n’est jamais assez prudent : le décès de l’apprenti est envisagé...
En savoir plus : à consulter le site Aquitaine en sabots.
http://aquitaine-en-sabots.wifeo.com/
Il y est question de sabots et de sabotiers.
On peut y trouver la patente de Jean Boireau, la maître de Thomas Lasauvague le 30 novembre 1791. On peut noter qu’il est porté « marchand sabotier » ; ce qui laisse à penser qu’il ne faisait pas que fabriquer des sabots; il en faisait aussi lui-même commerce.
En annexe : les trois contrats mentionnés ci-dessus.
- Apprentissage Claveau-Darriet
- Apprentissage Bernard Amanieu chez Pierre Laurent Sabotier
- Brevet d'apprentissage de Thomas Lasauvague et Jean Boireau
(05/2014)
Par M. Lambert Les minutes de maître Jay à Castillon ( ADG33 3 E 19581) nous offrent la possibilité de participer à la mise en apprentissage de quatre jeunes gens des environs de cette ville. On notera en particulier qu’un des apprentis n’est ni nourri, ni logé et qu’il a la possibilité de gagner de l’argent. Certains ont la possibilité de travailler « quand le maître n’a pas d’ouvrage ». |
13 janvier 1785
Pierre Duverger, brassier de terre de Sainte-Terre confie son fils Pierre à Pierre Blanc, charpentier de navire de Sainte-Terre
Durée du contrat : 2 ans – l’apprenti sera logé et nourri. Les outils lui seront fournis - « il pourra employer à son profit au terme de six mois aux différentes occasions ou ledit blanc ne sera pas pressé de travaux ».
Prix : 120 livres – 60 comptant ; 60 à la fin de l’apprentissage
28 mars 1785
Nicolas Lapeyroulerie, tonnelier de Civrac, confie son fils Jean à François Delmade, charpentier de battaux de Flaujagues.
Durée du contrat : 2 ans – l’apprenti sera nourri et logé - les outils lui seront prêtés – « Il aura la moitié des journées qu’il sera en état de gagner lorsqu’ils (loi et son maître) travailleront à la journée ».
Prix : 80 livres - 40 livres comptant, le reste à la fin de l’apprentissage.
21 mai 1785
Marie Granjou, veuve de Pierre Martineau de Saint –Pierre-de-Castets donne son fils en apprentissage chez Joseph Martineau, charpentier de navire de Saint-Pierre-de-Castets.
Durée du contrat : 2 ans – « l’apprenti mettra à son profit toutes le sjournées qu’il gaignera et qu’il se nourrira et fournira les outils nécessaires »
Prix : 72 livres – la moitié en août 1786 et l’autre moitié à la fin de l’apprentissage.
17 août 1785
Pierre Boyer, marchand de Sainte-Terre met son fils Jean en apprentissage
Chez Pierre Saugeon, charpentier de navires de Sainte-Terre.
Durée du contrat : 2 ans – l’apprenti sera logé et nourri « pendant le temps qu’il y aura de l’ouvrage ». S’il finit son temps, il recevra des outils.
Prix : 75 livres payables dans un an.
Un contrat signé dans le Nord Gironde (Bourgeais) chez maître Lafosse (ADG33 3 E 25650) précise les modalités d’apprentissage de Leonard Reynon, fils de Pierre Reynon, pierrier de Gauriac chez Pierre Ayreau, charpentier de navire à Bacalan de la paroisse Saint Remy de Bordeaux.
Durée du contrat : 30 mois – l‘apprenti sera logé, nourri, blanchi – en cas d’absence d el’apprenti , le père promet de le faire revenir..S’il ne revient pas Ayreau prendra un ouvrier à sa place aux frais de Reynon père.
Prix de l’apprentissage : 120 livres payables à la fin de l’apprentissage en argent ou en journées de travail.
En annexe quelques exemples :
- Un apprentissage de charpentier de navire vers Castillon 13 janvier 1785. Contrat Duverger - Blanc
- Un apprentissage de charpentier de navire vers Castillon 28 mars 1785. Contrat Lapeyroulerie - Dalmade
- Un apprentissage de charpentier de navire vers Castillon 21 mai 1785. Contrat Granjou - Martineau
- Un apprentissage de charpentier de navire vers Castillon 17 août 1785. Contrat Boyer - Saugeon
- Un apprentissage de charpentier de navire à Bourg 9 mai 1751. Contrat Reynon - Eyreau
(03/2014)
Par M Lambert Ce contrat signé à Saint-Macaire en 1817 chez, maître Ferbos, notaire, est assez similaire, dans sa forme, avec ceux rédigés sous l’Ancien régime. |
On peut lire dans la rubrique «métiers », l’inventaire de la boulangerie où Jean Saint-Sevin avait appris son métier.
Son maître est décédé quelques mois après la fin de l’apprentissage.
ADG 3 E 58967 Jean Saint-Sevin chez le Sr Jean Marquille Par devant M° Jean Ferbos, notaire 1° Le dit Marquille s'est obligé de prendre 2° de son côté le dit St Sevin, père, promet 3° Le dit Saint Sevin fils, restera en apprentissage 4° Si ledit Saint-Sevin, fils, quittait le |
(09/2014)
Comment les jeunes en Bordelais, apprenaient-ils un métier, une pratique qui pouvait déboucher sur un « état » ? C’est une esquisse des modalités d’apprentissage au XVIII ème siècle qui est proposée ci-dessous. Cette rubrique est destinée à évoluer en fonction de certaines données, parfois inattendues relevées dans certains contrats. |
Des conditions pour entrer en apprentissage ?
Les communautés de métier régies par des statuts (les corporations à Bordeaux notamment) prévoyaient pour les apprentis des conditions d’âge, une limitation de leur nombre en boutique, une durée pour leur formation et souvent le montant d’un droit d’entrée. Plus tard pour démontrer leur capacité il leur fallait confectionner un « chef d’œuvre ».
Pour les autres métiers, il semble y avoir moins d’exigences. Ainsi, dans les contrats l’âge n’est pas toujours précisé, ce qui semble prouver que ce critère d’admission n’était pas retenu. La consultation de nombreux contrats laisse à penser que les apprentis étaient âgés de 14 à 18 ans. Certains documents font apparaître que les jeunes hommes postulant pour un apprentissage avaient exercé auparavant d’autres métiers.
Quelques rares contrats concernaient des filles pour des métiers liés aux vêtements.
La signature du contrat
Cela se passait le plus souvent dans l’étude du notaire.
Il s’agissait d’un accord entre deux parties : le maître et le représentant de l’apprenti. Ce dernier peut être le père, le plus souvent, ou la mère si elle est veuve. Ce peut être aussi une personne ayant reçu procuration. Il arrive que le futur apprenti, majeur, signe lui-même le contrat.
Avant la signature, il avait eu négociation pour se mettre d’accord sur la nature du métier enseigné, sa durée, son coût. Il fallait prévoir les cas de maladie, d’absences, et préciser les obligations des uns et des autres, etc.
Les obligations économiques des parties
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Les obligations matérielles
Nourriture, logement, entretien du linge, fourniture de matériel, frais de maladie, absences : toutes ces modalités étaient précisées dans la rédaction du contrat. Le plus souvent le futur apprenti sera « nourri et logé » chez son maître.
Il lui appartiendra de « travailler aussi assidument qu’il le pourra au dit métier » ; il aura aussi bien souvent « devoir d’obéissance à la femme du maître ».
Quant au «maître », il devra apprendre le métier au jeune garçon et se comporter en bon père de famille. L’éventualité de la maladie du jeune, parfois loin de sa famille, est mentionnée. Dans la majorité des cas, le chiffre de 8 jours de maladie est retenu. Le maître devait assurer soins et médicaments. L’apprenti très malade, sans famille proche, devait solliciter l’admission à l’hôpital. Les journées de maladie perdues devaient être récupérées en fin de contrat. Les absences, les contrats les prévoyaient. Dans certains métiers, elles été tolérées, pendant un certain temps. Il s’agissait de métiers très qualifiés où il y avait peu de remplacements possibles. Dans la plupart des actes, il était prévu que le père de l’absent trouve un remplaçant « à capacité égale » ou paye le salaire correspondant. |
La résiliation d’un contrat était possible, en cas de force majeure (décès de l’apprenti, de son maître, etc.)
Dans la pratique les auteurs qui ont travaillé sur le sujet constatent que l’adolescent apprenait certes un métier mais qu’il lui appartenait d’exécuter quelques corvées : balayage, nettoyage, ouverture et fermeture des portes, entretien du poêle en hiver, etc. Et bien souvent il participait aux tâches ménagères du foyer dans lequel il vivait.
Il est observé que « l’impression de dépendance se trouve confirmée à travers les contrats : sur les plateaux de la balance, les droits du maître et les devoirs de l’apprenti pèsent plus lourds que les devoirs du maître et les droits de l’apprenti (1) ».
(1) Cocula (Anne-Marie), « Contrats d’apprentissage à Langon et autour de Langon dans la seconde moitié du XVIIIème siècle », Revue historique de Bordeaux, 1971, p. 108-124.
Pour en savoir plus :
Gallinato (Bernard), Les corporations à Bordeaux à la fin de l’Ancien Régime, PUF, 1992.