Ephémérides de la guillotine sous la Terreur à Bordeaux - publié en 1883https://bibliotheque.bordeaux.fr/in/imageReader.xhtml?id=h::BordeauxS_B330636101_Br11411R&pageIndex=1&mode=simple&selectedTab=thumbnail
Sous le pseudo : G Mirassem, on découvre un médecin, Giraud Marmisse, 59 ans, très engagé dans le monde de la prévoyance (secours mutuels et assurance), on peut lire son portrait, quelques lignes brossées d’une plume alerte, par Adhemard Lesfargues-Lagrange, auteur de « Nos médecins bordelais 1878 » (2ème série) (p.53), consultable sur Gallica. (Il n’est pas interdit de lire les autres portraits esquissés dans l’ouvrage. L’auteur n’a pas peur des mots). Ne pas négliger les premières pages des Ephémérides, l’introduction. Nous sommes en 1883. Il y est question d’une place, connue par les Bordelais d’alors sous le nom de place Dauphine qui disait-on faisait l’admiration des étrangers. Pendant la Révolution, baptisée place Nationale, elle avait accueilli la guillotine et les foules curieuses de voir tomber les têtes. Or, en ce 18 janvier 1883, la place Dauphine est devenue place Gambetta. Hommage à Léon Gambetta, homme politique qui vient de mourir quelques jours auparavant. Il avait été un adversaire résolu de la restauration monarchique. Or le docteur Marmisse, ce n’est un secret pour personne, affiche des opinions royalistes. Il ne peut se taire. Un clic sur l'image vous permet la consultation du document. |
Pour lui, ce changement de nom, c’est une injure infligée à la place. Cette dénomination « fait inévitablement raviver les traditions transmises par nos pères à travers trois générations, sur l’ancienne place Nationale de la Terreur ». « L’avenir politique est donc sombre » écrit -il, ajoutant : « la guillotine s’aperçoit donc en épouvantable silhouette dans l’horizon ».
Aussi espère-t-il que « la lecture d’un tableau presque simplement chiffré des assassinats juridiques commis du 23 octobre 1793 au 31 juillet 1794 sur notre splendide place Dauphine rendra odieuse la Gambettisation nominale que nos opportunistes de passage viennent de lui infliger despotiquement ».
Le docteur Marmisse ne perd pas de temps : les Ephémerides de la guillotine sous la Terreur sont publiées quelques mois après le changement de plaque de la place.
Que trouve-t-on dans cet ouvrage ? Des informations sur la composition des commissions militaires présidées par un certain Lacombe de sinistre mémoire. L’auteur évoque un certain Livre rouge portant le nom de quelques dénonciateurs, livre qui aurait circulé avant de disparaître. Sont mentionnés dans les Ephémérides, les uns après les autres, les noms des condamnés, par ordre chronologique. Quelques notes permettent d’en savoir plus. On suivra les déplacements de la guillotine à Libourne en novembre 1794, et son retour à Bordeaux. On déplorera que suite du mauvais fonctionnement de la guillotine et de l’ivresse des bourreaux, les frères Peyrusan, trois exécutions ont été manquées en juin 1794. La dernière tête est tombée le 31 juillet. Après la chute de Robespierre, Lacombe est arrêté, jugé et condamné. « Le 14 août, la foule aux oscillations si capricieuses et si terribles pour les hommes politiques put applaudir à la décapitation de son ancienne idole ». Puis « le bois de justice disparut » jusqu’à l’exécution le 24 octobre d’un complice de Lacombe.
On y apprend également qu’une guillotine à 4 tranchants avait été construite. Non utilisée, elle a été détruite et brulée par des manifestants.
Ephémérides des jugements de la commission militaire sous la Terreur à Bordeaux - paru en 1883Consultable sur Gallica : En complément des Ephémérides des guillotinés, le docteur Marmisse a publié la même année Ephémérides des jugements de la commission militaire sous la Terreur à Bordeaux. « Nos premières éphémérides ne s’étant occupées que des têtes, les secondes ne s’occuperont que de la bourse, ou de la détention ou de l’exposition, etc. » précise l’auteur. Un clic sur l'image vous permet la consultation du document. |
Dans cet ouvrage il n’y a pas de condamnation à mort. La menace de la guillotine est cependant présente. Lorsqu’elles passent en jugement les personnes peuvent être condamnées à mort ou échapper à la guillotine. Celles dont on peut lire les noms ici sont acquittées, condamnées à des pénalités financières ou à la détention pour une durée variable. Il y a des condamnations au fers (ils sont envoyés aux galères). Une note sibylline accompagne certains jugements : « Renvoyé à plus ample informé ». Elle laisse espérer une issue heureuse. Ainsi en a-t-il été du personnel de deux troupes de comédiens dont celle du Grand Théâtre. Ont bénéficié aussi de la même clémence les deux bourreaux coupables d’ivresse (voir p 109). Les « deux augustes fonctionnaires… durent continuer leurs sanguinaires fonctions ».
Et bien souvent sont insérées des petites notes : à peine cachés, ce sont les noms des dénonciateurs.
L’ouvrage se termine par le jugement rendu par la nouvelle commission militaire réunie à Bordeaux qui condamne Lacombe.
Nettoyer la guillotineUn témoignage à lire dans un document téléchargeable sur le site : "1886 Bordeaux Montaigne". https://1886.u-bordeaux-montaigne.fr/items/show/9080 Les ursulines de Bordeaux pendant la Terreur et sous le Directoire par l’abbé Pierre Lelièvre - 1896 On peut découvrir pages19 et 20 de l’ouvrage le coût de l’opération. Un clic sur l'image vous permet la consultation du document. |
Le tranchant de la guillotine dans un petit réduit sous l’escalier
Le 30 septembre 1796, les commissaires de police se sont rendus dans la maison de l’exécuteur pour en faire inventaire.
Voici le texte :
Aujourd’hui huit vendemiaire lan cinq de la République Nous commissaire de police soussigné nous sommes rendus à la maison de l’exécuteur près le Tribunal Criminel pour y procéder un état général de tous les effets mobiliers qui sy pouvant sy trouver et ce par ordre de l’administration municipale et a lad avons trouvé. Premièrement a la chambre ou il couchait une paillasse deux traiteaux, un drap de lit, quatre planches, une paire bénitier cristal, une table bois de sapin, trois bouteilles dont deux petites et une moyenne, un pot fayance blanche, une assiette fayance avec du sel, une grande cuillère en bois, un saladier fil de fer très uzé, un bidon, une baguette de fuzil, deux bouteilles dont une longue et l’autre bastide, un pot de chambre et qu'enfin deux petites chese bois de saule garnies de paille, trois petites clefs et de suite sommes passés dans la sale et y avons trouvé une marmite avec son couvert, un mortier de marbre avec son pilon, quatre cuillers d'étain, quatre assiettes fayance, une petite jatte, un petit plat terre et qu'enfin deux entonnoirs un grand,et un petit, une petite ache une echauffette au fer, un batoir de bois, un pot a faire la souppe, onze bouteilles verre grandes ou petites, un marteau de fer petit avec son manche de bois, une poele à frire, un petit miroir, deux essuymains, environ trois livres charbon deux petites evergettes. Plus au rez de chossée de laditte maison avons trouvé dans un petit reduit et sous lescalier le tranchant de la guillotine, une grande peau, un paquet cordes, deux éperons, une echeveau fil grossier et un peu du bois a bruler + et n'ayant trouvé autre chose absolument avons clos et fait le présent état le jour et an que dessus. A Foulquier Anceny comis de police + un bâton ou se trouve une lame d’épée dedans A Foulquier |
Document trouvé dans le fonds Calvet sans aucun commentaire concernant son origine - (Archives Bordeaux Métropole)
AMB 65 S 44
(06/2021)
Par Monique LAMBERT
Cadillac (2200 habitants), une très petite ville active : son port, sa bastide, son asile d’aliénés, son château transformé en prison pour femmes et… son commissaire de police, un certain Pierre Adolphe Rossin, 49 ans. C’est un fonctionnaire zélé. En quelques lignes, il a présenté quelques-uns des habitants de Cadillac. Ils étaient soupçonnés d’idées subversives.
La France connait alors ce que les livres d’histoire nomment « l’Empire autoritaire ». Napoléon III a institué un régime qui limite les libertés publiques. Or, L’année 1857 voit l’élection de 5 députés de l’opposition. Puis il y a l’attentat d’Orsini le 14 janvier 1858. Inquiétude du pouvoir. Les préfets reçoivent l’ordre de multiplier la surveillance des gens suspects d’opinions défavorables au régime. Pierre Adolphe Rossin, commissaire de police n’est pas d’ici, mais de Fontainebleau son père (chevalier de la Légion d’honneur) avait été commissaire de police. Il a été en poste à Blaye en 1855. A la demande du préfet, il rédige une note synthétique présentant certains habitants de Cadillac, note conservée aux Archives départementales sous la cote 1 M 380, avec beaucoup d’autres. En effet, sous cette cote et les suivantes sont répertoriés, par ordre alphabétique, les surveillés politiques ainsi que les hommes classés « non dangereux », « peu dangereux » et « très dangereux » : 850 fiches ou documents à consulter. Une mine ! |
Dessin de Maignan http://inventaire.aquitaine.fr/decouvertes-de-laquitaine/gironde/cadillac-pittoresque-le-regard-dhenri-maignan-1815-1900/pour-en-savoir-plus/ |
Elles apportent quelques éclairages non seulement sur le profil des suspects ou condamnés mais aussi sur les sociétés secrètes et les modalités de la surveillance exercée sur certaines personnes.
En ce qui concerne la note de Cadillac, on peut remarquer l’absence des femmes. Parmi les hommes suspectés, jeunes et vieux, on peut observer que, bien intégrés, ils ont tous un métier, parfois honorable. Quelques propriétaires. On note des opinions partagées entre gens de la même famille.
Bailly Jean (Jeune) |
Sellier-bourrelier, demeurant à Cadillac, en ville ; né le 23 février 1820. Donne dans les idées socialistes, comme quelques autres jeunes ouvriers de son âge qui viennent faire la conversation chez lui. Sa conduite est peu régulière, il a été poursuivi à l’occasion de tapages nocturnes et s’est toujours tiré d’affaire par l’adresse qu’il a eu, tout en poussant des camarades au mal, de disparaître à temps. Il est sournois et serait dangereux à l’occasion. |
Barreyre (Alphonse) |
Greffier de la justice de Paix demeurant à Cadillac, en ville ; né le 18 septembre 1816. C’est de tous les socialistes de la ville, le plus effronté et le plus dangereux. Aux élections et dans toutes les occasions, il affiche son opposition au Gouvernement avec un cynisme révoltant. Il est d’autant plus en état de soulever les mauvaises passions qu’il joint à un caractère foncièrement méchant l’influence que lui donne son emploi sur beaucoup de gens du canton. Dans des temps de désordre, il irait jusqu’à la cruauté s’il pouvait espérer l’impunité. Son chef, monsieur le Juge de Paix, sait de quoi il est capable et, s’il ne l’a pas fait connaître à l’autorité supérieure, on ne peut attribuer son silence qu’à de la faiblesse et à la crainte que lui inspire un homme qu’il sait vindicatif et capable de tout. |
Berry (Pierre Henry) |
Menuisier demeurant à Cadillac en ville ; né le 30 mai 1816. Ivrogne, fainéant, capable de tout, le bien excepté. Du reste, sous influence et se trainant à la remorque de Barreyre et autres. Peu dangereux par lui-même, quoique bien mal intentionné. |
Bonnefoux (Auguste) |
Propriétaire demeurant à Cadillac, en ville ; né le 15 octobre 1816. Plus bête que méchant ; est peu dangereux bien qu’imbu des idées socialistes avancées et fréquentant ceux de l’opinion. |
Bouchet (Valentin), fils |
Sabotier-perruquier, demeurant à Cadillac, en ville ; né à le 3 novembre 1832. Fainéant et débauché ; plein de mauvais vouloir et désireux de bien vivre sans travailler. N’ayant rien à perdre, le partage des propriétés d’autrui lui sourirait beaucoup. |
Bousquet (Jean), aîné |
Pharmacien demeurant à Cadillac, en ville ; né le 3 février 1816. Socialiste très avancé, d’une humeur sombre et capable de pousser au mal. En temps de troubles, il serait dangereux. |
Carcaut (Bernard) |
Epicier demeurant à Cadillac, en ville ; né le 20 juin 1828. Socialiste avancé, têtu et tant soit peu docteur, non dangereux pour lui-même, mais disposé à tout faire au commandement des chefs du parti. |
Chaigné Pierre |
Tonnelier demeurant à Cadillac hors ville ; né le 25 janvier 1808. Brutal et homme d’action, prêt à exécuter les ordres du parti rouge auquel il est dévoué aveuglément. |
Charriaut (Antoine) |
Ex huissier, président de la société de bienfaisance dite de l’Assomption, demeurant à Cadillac, lieu du Pourret ; né le 20 avril 1820. L’un des plus ardents du Parti socialiste, d’autant plus dangereux qu’il est très fin et sait exciter les mauvaises passions, évitant de se connaitre personnellement. Il jouit d’une popularité redoutable par l’emploi qu’il en ferait à l’occasion au profit de l’ambition qui le ronge. C’est le neveu et l’intime du fameux Marcellin Lafitte de Gabarnac dont il guigne l’opulent héritage ; il est aussi gendre de l’illustre Lafitte ainé avec qui il demeure. |
David (Jean), dit Jeanty |
Tonnelier, demeurant à Cadillac, hors ville, né en 1794. Socialiste dévoué aux meneurs du parti et disposé à suivre leurs inspirations quelles qu’elles soient. Homme d’action. |
David (Jean) |
Tonnelier, demeurant à Cadillac, hors ville ;né en 1788. La note précédente lui est entièrement applicable avec un surcroît de méchanceté à signaler ; très dangereux. |
David (Jacques), fils |
Tonnelier demeurant à Cadillac, hors ville ; né le 30 octobre 1819. Fils et neveu des deux précédents dont il partage les idées exaltées, augmentées encore du feu de sa jeunesse. |
Delcros (Pierre), aîné |
Marchand quincailler, demeurant à Cadillac en ville ; né le 23 février 1797. Ex-maire de la fabrique du gouvernement provisoire. L’un des docteurs du parti socialiste. Autrefois des réunions avaient lieu chez lui et son influence était grande ; aujourd’hui il est passé à l’état de vieille ganache et quoique sa mauvaise volonté et son hostilité subsistent toujours au même degré, sa prépondérance va en déclinant. Il est en relation avec les démocrates du dehors. |
Delcros (Jean), dit Jeanty |
Marchand de barriques, demeurant à Cadillac, en ville ; né le 16 germinal an X (6 avril 1802). Partage entièrement les opinions socialistes du précédent et est comme lui dévoué à l’anarchie. |
Delcros (Paulin), fils |
Ferblantier, demeurant à Cadillac en ville ; né le 15 octobre 1826. Encore plus dangereux que ses oncles dont il partage la manière de voir ; il y joint l’exaltation de la jeunesse avec un fond d’orgueil et de méchanceté de race. |
Depiot (Simon) |
Marchand et agriculteur, demeurant à Cadillac, en ville ; né le 18 nivose an 2(7 janvier 1794). En sa qualité de banqueroutier, c’est un des plus ardents coryphées de la démagogie, si riche de personnages non moins recommandables. Celui-ci, être hargneux, méchant et vindicatif est tout dévoué au prosélytisme de la cause socialiste ; c’est un homme on ne peut plus dangereux, en relation avec les adeptes de l’extérieur. Il a toutes les allures d’un colporteur de mots d’ordre dans l’intérêt du désordre. |
Desbats (Jean Alexis) |
Propriétaire demeurant à Cadillac, hors ville ; né le 22 octobre 1796. Ce serait une bien grave erreur de considérer le sr Desbats comme un socialiste ; il est trop riche, trop partisan des écus, trop avare et trop peu sympathique aux pauvres, pour ne pas regarder le partage des biens comme l’utopie la plus stupide. Sa seule opinion est de thésauriser et si, malgré la soif de l’or poussée à la férocité, il vote avec les rouges, c’est uniquement pour faire pièce à ceux de ses ennemis personnels qui sont partisans de l’Empire. Il l’a très spirituellement confessé aux dernières élections, et il a dit vrai. |
Donnadieu (Antoine) |
Marchand de parapluies, demeurant à Cadillac, en ville ; né le 5 septembre 1808. Ses fréquentations habituelles avec les socialistes exaltés et sa rage de déblatérer contre les actes de l’autorité, le font regarder comme grand partisan du désordre. Il est sournois et assez fin pour éviter de donner prise sur lui ; il n’en serait que plus dangereux à l’occasion. |
Dubois (Jean), dit Jeantille |
Marchand boucher, demeurant à Cadillac en ville ; né le 17 juillet 1781. Ce vieillard est foncièrement méchant ; il partage toutes les idées subversives de son gendre, le sr Eugène Dupas, ferblantier ou lampiste. S’il était plus jeune, il serait très dangereux. |
Dubouil (Raymond) |
Marchand de chaussures, demeurant à Cadillac en ville ; né le 7 mars 1804. Ex-cordonnier, régisseur révoqué de l’octroi de Cadillac, défenseur officieux et stupide près de la Justice de Paix qu’il assomme des plus incroyables barbarismes. Cet individu est un socialiste de l’école de Barreyre, Charriaut et compagnie ; outrant son modèle avec une morgue comique, il prêche aux paysans qui recourent à son éloquence une sorte de doctrine démocratique qualifiée de Positivisme. Il est très possible que son amour pour l’égalité se soit refroidi par suite d’un héritage d’une soixantaine de mille francs qui vient de lui échoir du chef de sa femme. Il ne pourrait maintenant que perdre au partage des biens ; partager est bon quand on est gueux. |
Dubourg (Clément) |
Horloger, demeurant à Cadillac, en ville ; né le 6 octobre 1829. Socialiste effronté et insolent, affectant des airs de bravache qui a fait de la propagande aux dernières élections. On ne sait si le mariage qu'il vient de contracter avec une fille de bonne famille de Cadillac modifiera ses allures impertinentes et ses idées subversives. Quant à moi, je ne le crois pas et je le tiens pour un méchant et incorrigible drôle. |
Ducasse (Joseph, Emile) |
Huissier, demeurant à Cadillac hors ville ; né le 2 août 1832. Partage les idées socialistes de son patron et prédécesseur, Charriaut, avec lequel il est très lié et qu’il tient pour un oracle. |
Dufourc (Charles) |
Tonnelier et cafetier, demeurant à Cadillac, en ville ; né le 3 octobre 1814. Socialiste patelin, évitant avec soin toute démonstration compromettante. Depuis longtemps, nous veillons sans succès son café où, suivant les rapports, il a fait ou laissé jouer de l’argent ; si, comme je le crois, cet abus ne s’y pratique plus, on le doit à la surveillance dont il se sait l’objet et à la crainte qu’il a de voir fermer son établissement. |
Dupas (Eugène), gendre Dubois |
Ferblantier-lampiste, demeurant à Cadillac, en ville ; né le 5 octobre 1818. Celui-ci est un socialiste enragé, à mettre sur la même ligne que le greffier Barreyre ; comme lui, il est très dangereux et serait homme de sang à l’occasion. Ses opinions subversives ne sont, du reste, un secret pour personne, car, loin de s’en cacher, il en tire vanité et a toujours à la bouche quelque mot sarcastique contre l’ordre de choses actuel où percent ses espérances de réussite de son parti pour l’avenir. |
Felon (Pierre) |
Coutelier, demeurant à Cadillac, en ville ; né le 9 août 1807. Type de la brute ; fainéant, ivrogne, grossier, capable de tous les excès. C’est un socialiste très dangereux qui ne reculerait pas devant un forfait, pour peu qu’il entrevît l’impunité. |
Felon (Jacques), frère du précédent |
Tonnelier, demeurant à Peytoupin, commune de Cadillac ; né le 14 novembre 1816. Il a tous les vices de son aîné, si ce n’est qu’il ne possède pas celui de la paresse, au même degré ; il n’est guère moins dangereux. Je l’ai récemment surpris et fait condamner à la prison pour s’être donné, à minuit, le passe-temps de réveiller les Cadillacais à coup de fusil. |
Gerbeau (Jean) |
Couvreur, demeurant à Cadillac, en ville ; né en 1832. Ami et locataire du positiviste Dubouil dont il partage les opinions exagérées, en les outrant encore plus que son modèle. C’est une espèce de faquin faisant le beau diseur (il sait à peine lire et écrire) et affectant de regarder avec mépris du haut de sa grandeur (environ 1m55) les Magistrats et employés du gouvernement. Je le tiens pour méchant et fort mal intentionné. Il est agaçant. |
Lafitte-Dupont (Alexandre) |
Propriétaire, demeurant à Cadillac, en ville ; né le 7 juillet 1791. Beau-père du jeune Delcros dont il partage les idées subversives ; moins méchant, cependant et moins dangereux que son gendre. |
Lafitte (Pierre), aîné |
Maître taillandier, beau-père de l’ex-huissier Charriaut, demeurant à Cadillac, lieu du Pourret ; né en 1797. Socialiste outré, comme son gendre et comme son frère Marcellin Lafitte, propriétaire à Gabarnac. Il va sans dire que les ouvriers de son usine sont stylés pour lui et les siens aux idées les plus démagogiques. Mais ce qui fait la plus grande gloire de Lafiitte aîné, à son sens du moins, c’est l’art du mensonge dont il se vante d’avoir reculé les limites par une incessante pratique. Aussi a-t-il l’esprit constamment tendu à la recherche de gasconnades les plus outrées ; quand il a en a enfin laborieusement rencontré, il les débite avec un aplomb magnifique et c’est pour lui une jubilation extrême de voir ajouter foi à ses inventions saugrenues. Il pousse cette manie au point d’assaisonner des mensonges absurdes les plus sérieuses conversations. |
Lenourichel (Auguste), fils |
Chapelier, demeurant à Cadillac, en ville ; né en 1799. Socialiste exalté, méchant, sournois et capable de se porter à des excès. C’est un orateur démocratique de bas étage. |
Lenourichel (Gustave), fils |
Chapelier, demeurant à Cadillac, en ville ; né le 4 janvier 1896. A tous les vices de son père, à un degré encore plus dangereux en raison de sa jeunesse. C’est un poil rouge, tout bon ou tout mauvais. |
Lescure (Benoist) |
Cordonnier, demeurant à Cadillac, en ville ; né le 28 avril 1798. Socialiste exalté, gueux et très partisan du partage des propriétés d’autrui. |
Papou (Dulcide), fils |
Serrurier, demeurant à Cadillac, en ville ; né le 8 septembre 1825. Cet homme, dans la force de l’âge et très bon ouvrier est assez dépourvu de cœur pour ne pas travailler de son état ; il souffre que sa femme le nourrisse à ne rien faire, du produit de sa profession de modiste. Aussi rêve-t-il des temps fortunés et impossibles où l’on aurait tout à satiété, sans peine ni labeurs aucuns. Le socialisme devant nécessairement amener ce délicieux état de choses, Dulcide Papou est un adepte fervent de ses bienheureuses doctrines ; il l’a prouvé par ses menées aux dernières élections. |
Saint-Blancard (Michel), père |
Maréchal-ferrant, demeurant à Cadillac, en ville ; né en 1805. Socialiste brutal et ivrogne, il est méchant et figurerait volontiers dans une scène de désordre. |
Saint-Blancard (Romain), fils du précédent |
Maréchal-ferrant, demeurant Cadillac, en ville ; né le 11 mai 1835. Le jeune homme n’a rien à envier à son père ; aux vices de celui-ci, il joint une plus grande insolence et serait à craindre en temps de troubles par son exaltation. Déjà condamné pour querelles et tapages nocturnes. |
Saint-Blancard (Pierre) |
Maréchal-ferrant, demeurant à Cadillac, hors ville ; né le 4 février 1819. Encore plus méchant, plus brutal, plus insolent et plus exalté que les deux précédents, ses cousins, et conséquemment encore plus partisan des bouleversements que ceux-ci. Il a quelque chose du tigre dans les allures. |
Valentin (Léonce) |
Charpentier et cabaretier, demeurant à Cadillac, lieu de l’Hermitage ; né le 8 février 1811. Socialiste exalté, dissimulant son mauvais vouloir sous des formes patelines ; c’est un homme faux et un fripon qui ne recule devant aucun moyen pour s’approprier ce qu’il convoite. Il est très dangereux. |
Vignes (Marcellin) |
Plâtrier, demeurant à Cadillac, en ville ; né le 2 février 1821. La semence du socialisme est tombée en bonne terre ; gendre de l’agriculteur Depiot, Vignes a bien profité des leçons de son beau-père ; ils ne valent guère mieux l’un que l’autre. C’est dire que Vignes est un de nos plus exaltés et dangereux démocrates. |
Il y a à Cadillac encore beaucoup d ‘autres socialistes que ceux-ci ci-devant désignés.
Nous bornons nos indications aux plus dangereux pour leur exaltation, leur influence et leurs relations.
Quant aux autres, bien que redoutables par leur nombre, ils ne sont pas hommes d’initiative. Mais il serait très facile aux meneurs de les pousser aux plus grands excès, surtout en leur faisant entrevoir quelque chance de réussite et d’impunité.
(03/2021)
Par Monique LAMBERT
Un regard très critique sur la prison de Langon.
C’est celui de Grassi, médecin des Epidémies, appelé dans cette ville de 3000 habitants pour donner son avis sur une maladie inquiétante. On peut lire deux rapports rédigés pour répondre à cette préoccupation sur le Site Cahiers d’archives. Rubrique Santé : 1810 - Epidémie à Langon et les prisonniers espagnols.
Qui était Grassi ? https://www.sudouest.fr/2013/01/15/la-longue-vie-du-docteur-de-grassi-934664-2780.php Homme aux champs d’intérêts multiples, ce médecin se préoccupait des conditions de vie des prisonniers. Aussi s’est-il rendu à ce qui servait de prison. C’était au cœur de la ville, sur une place triangulaire, visible sur la carte ci-jointe. Ce local était-il pire que d’autres ? Grassi en fait un tableau horrifique comme on peut le lire ci-dessous.Grâce à lui trois prisonniers ont été extraits de ce lieu maléfique et envoyés à l’hospice où l’un d’eux est décédé. Un certain Jean Hourcaut, originaire de Saint-Martin-de-Hinx (Landes), condamné à trois ans de travaux publics, n’a pas eu cette chance. Il est décédé en prison. |
Prisons de Langon
Dans le centre de la ville et sur l'un des côtés d'une petite place triangulaire, l'on voit une espèce de hangar profond, séparé de la place par une grille de fer, entouré latéralement de murs élevés appartenant aux maisons voisines, couvert par une longue toiture, et destinée à servir de halle dans les marchés qui ont lieu certains jours de la semaine.
Au fond de ce lieu inaccessible aux rayons du soleil, l'on aperçoit l'escalier qui conduit à la Mairie et, de chaque côté, l'on découvre l'entrée des prisons.
Elles sont au nombre de deux : la plus grande située à gauche est voûtée en plein ceintre, et a 17 pieds de long sur 16 pieds 6 pouces de large : sa plus grande hauteur sous clef est de 9 pieds, 6 pouces. La petite, placée à droite a 13 pieds 6 pouces de long, sur 8 pieds 6 pouces de large, et 10 pieds6 pouces sous plancher.
Le sol de ces prisons est de deux pieds en contrebas de celui de la halle et de 7 pieds de celui de la cour Partarrieu qui est étroite, entourée de hautes murailles, et reçoit les vidures de plusieurs boucheries.
Chacune de ces prisons a un soupirail sur la cour précitée ; celui de la grande a d'ouverture extérieure 1 pied de large sur 10 pouces de haut ; celui de la petite, a la même hauteur, mais le double de largeur ; et il est impossible de les agrandir.
C'est dans ces réduits ténébreux, et resserrés, dont l'air plus ou moins stagnant est toujours humide, que sont renfermés et souvent entassés, non seulement les criminels mais encore les conscrits réfractaires conduits par la Gendarmerie de Brigade en Brigade.
Le manque de latrines y est suppléé par des baquets portatifs, où les matières fécales retenues souvent plusieurs heures dans le jour, et ordinairement toute la nuit, exhalent une odeur fétide qui vient encore ajouter à l'infection, comme si les circonstances locales n'étaient pas suffisantes pour rendre malsain le séjour de ces lieux.
Peut-on rappeler sans effroi que dans le premier cachot qui n'offre pas huit toises cube d'air atmosphérique à respirer et que deux détenus n'habiteraient pas quelques jours sans altérer leur santé, l'on a cependant été forcé d'y accumuler plusieurs fois trente à quarante-cinq individus.
Rien de plus fort ne peut être cité dans ce genre que l'exemple frappant qui arriva en 1745. cent quarante-cinq soldats anglais, faits prisonniers par le vice-roi du Bengale (en Asie), furent enfermés dans une prison de 18 pieds carrés qui n'avaient que deux ouvertures. L'air y devint tellement infect que le tiers de ces malheureux périt en 3 heures - le nombre des morts s'éleva à 119 dans l'espace de 12 heures.
Le lendemain matin, il n'en restait plus que 23 dont plusieurs moururent de la fièvre des prisons.
Il est généralement reconnu par les médecins observateurs que les seuls effluves de l'homme sain peuvent acquérir une virulence extrême, lorsqu'ils sont longtemps retenus dans un même lieu et que leur dégénérescence est de plus favorisée par la chaleur et l'humidité.
Ces vapeurs dans un état de croupissement et de condensation, sont non seulement nuisibles, mais deviennent même quelquefois promptement mortelles. Elles ne bornent pas toujours leur action délétère qui s'y trouvent plongés ; elles pénètrent encore leurs vêtements, le bois, les murs ; en un mot tout ce qui se trouve dans leur sphère d'activité. Trois individus sains, mis en dépôt dans l'une de ces prisons le 4 février, jour de mon arrivée à Langon, en ont été retirés 24 heures après avec de la fièvre et le délire, pour être transportés à l'hôpital.
Les miasmes se répandent bientôt dans le voisinage, infectent ceux qui les inspirent, développent rapidement des maladies contagieuses, dont le caractère est grave et les dangers sont souvent incalculables.
On se rappelle encore avec douleur de la mort du Maire de Langon, d'un Percepteur, d'un Employé et de trois concierges, victimes du méphitisme de ces prisons. En vain voudrait-on les désinfecter par le procédé guytonien, son effet ne pourrait être que passager, puisque les causes propres à reproduire les émanations délétères et contagieuses semblent réunies pour perpétuer dans ces cachots les germes de la maladie et de la mort
Le seul moyen efficace de prévenir tant de maux est d'établir d'autres prisons qui puissent concilier ce que l'on doit à l'humanité, au bon ordre et à la sureté des habitants de Langon. C'est le vœu des autorités locales, du Comité de salubrité et de tous leurs concitoyens.
Ils viennent appeler de nouveau votre sollicitude sur cet objet important et sont pleins de confiance en vous, Monsieur le Préfet, dont le désir le plus ardent est de contribuer au Bonheur de vos administrés.
Grassi médecin des Epidémies
A Bordeaux, le 8 février 1810
ADG 4 N 132
La suite ? Une nouvelle prison a été construite quelques années plus tard. La bibliothèque actuelle semble avoir été aménagée sur l’emplacement d’une ancienne prison. Toute information complémentaire serait la bienvenue.
par Daniel Salmon -
Il y a deux cents ans, très exactement le 27 septembre 1815, les frères Faucher, jumeaux nés à la Réole, traversent à pied, en se donnant le bras, une grande partie de la ville de Bordeaux. Ils ont quitté le Fort du Hâ, leur prison, vers 9 heures. A 55 ans, ils se ressemblent étrangement. Ils sont vêtus de la même façon : une simple camisole blanche et ont la tête nue. Leur extraordinaire destin va se terminer tragiquement aujourd'hui.Les gendarmes et la garde nationale les entourent, en un sinistre cortège. Très calmes," les traits remplis d'une douce sérénité" (1), ils font un signe à leurs amis venus les soutenir le long du trajet. Condamnés à mort depuis la veille, ils marchent vers le " champ de pourpre " (1). Arrivés sur place, ils refusent de se laisser bander les yeux, César Faucher commande le feu ; tous deux tombent, devant les gardes royaux à cheval et la légion de Marie-Thérèse, convoqués pour l'occasion. La salve est saluée par les hurlements de la foule (2). |
Constantin et César Faucher, nés le 12 septembre 1760, sont les " jumeaux de la Réole ". Leur carrière militaire hors normes reflète toutes les évolutions de l'époque. Engagés volontaires en 1792 pour combattre la révolte royaliste en Vendée, ils sont blessés plusieurs fois ce qui leur vaut d'être nommés ensemble généraux de brigade le 11 octobre 1793.
Accusés d'avoir regretté la mort de Louis XVI, ils sont condamnés à mort une première fois.
Sauvés de justesse par Thermidor, ils sont réintégrés dans l'armée. Mais ils démissionnent quand Napoléon est sacré empereur.
Les frères Faucher exercent alors les fonctions civiles de maire et sous-préfet de La Réole. Ils s'engagent à nouveau dans l’armée pendant les Cent Jours, pour s'opposer au retour des royalistes.
Après un procès inique, où pas un avocat n'a voulu les défendre, ils sont condamnés à mort le 26 septembre 1815 par le tribunal militaire de Bordeaux.
Ils sont inhumés à la Chartreuse de Bordeaux. Depuis leur mort le lieu précis de leur sépulture est inconnu.
En novembre 1837, J.M. Cortot se promène dans le cimetière (3). Arrivé dans la 7° division il rencontre le fils du gardien à qui il demande où sont enterrés les frères Faucher. Ce dernier lui montre une longue pierre. En écartant les herbes qui la recouvrent Cortot découvre une inscription au couteau "Ci gisent les jumeaux de La Réole, victimes de la Royauté en 1815". Il déplore qu'il n'y ait "pas un seul indice pour montrer à l'étranger la place où reposent les frères Faucher et cependant l'histoire de leur mort est un feuillet sanglant qu'on ne peut arracher de notre histoire".
Martin et Ferrus dans leur livre sur la Chartreuse de Bordeaux (4) publié en 1911, rapportent que sur le registre d'entrée figure à la date du 27 septembre 1815 : "Les messieurs Faucher, fusillés ". Le 27 septembre 1830, on a posé sur le lieu de l'inhumation la première pierre du monument qui devait être élevé grâce à une souscription publique (5). Du monument on ne connait que le dessin (illustration ci-dessous).
Il ne se fera jamais. Mais pour Ferrus une tombe existe bien. Une photo en est même publiée. L'administration du cimetière prétend que ce tombeau appartient à M. de Maupassant, directeur des contributions directes.
Curieusement, un plan édité par l'administration du cimetière dans les années 80 précise l'emplacement du tombeau des frères Faucher : 2° série, N°61 bis. Je ne l'ai pas trouvé à cette adresse.
Le nom des frères Faucher ne figure pas dans le remarquable guide " le chant des morts " (6). Quant au site " cimetières de France et d'ailleurs " il ne parle plus que d'une présence " symbolique ".
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Sources
- Le champ de pourpre était le lieu des exécutions militaires. Il était situé près de la rue Judaïque et proche de la rue qui aujourd'hui porte le nom des frères Faucher.
- Article de Shenandoah Davis sur le site : la maraichine normande
- La mosaïque du midi. 1838.
- Maurice Martin et Maurice Ferrus : la Chartreuse de Bordeaux. Bibliothèque de Bordeaux.
- Projet de monument aux frères Faucher. Bibliothèque de Bordeaux.
- " Le chant des morts " Guide des cimetières de Bordeaux. Prévot et Lassere. Sans date (vers 1995)
(11/2015)
Les frères Faucher sont-ils toujours à la Chartreuse (suite) ?
Le hasard est l'ami du curieux. A peine l'article sur la sépulture des frères Faucher était-il publié sur le site cahiers d'archives que je trouvais à Saint Michel le " Bordeaux pittoresque " de Maurice Ferrus (deuxième série) publié en 1911. L'auteur y expose les détails de l'enquête qu'il a menée sur l'emplacement du tombeau des deux frères.
A la Toussaint 1909, les bordelais qui se promènent au cimetière de la Chartreuse s'arrêtent devant un petit monument situé du côté de la rue d'Arès, très précisément dans la deuxième série au " 61 bis ". Sur une colonne une petite affiche à l'encre rouge indique " Aux Frères Faucher condamnés à mort par le conseil de guerre de Bordeaux le 22 septembre 1815, fusillés le 27 septembre 1815. " Une pierre posée sur le socle dissimule – semble-t-il – des noms et des dates. De là à penser que les autorités cherchent à cacher les personnalités qui reposent ici, il n'y a qu'un pas, vite franchi par les témoins présents.
L'inspecteur des cimetières M.Rives se rend sur les lieux. Il apporte des précisions : " Personne n'a jamais trouvé trace du tombeau des frères Faucher " " Le tombeau concerné est celui de M.de Maupassant; il ne renferme qu'un corps celui d'un certain Barbier." Pourtant L'indicateur du 27 août 1830 relate la manifestation qui s'est déroulée le 25 août à six heures du soir. Quinze à vingt mille personnes suivaient un cortège se dirigeant vers la deuxième série N° 61 bis de la Chartreuse. Désiré Texier, un grognard ayant perdu son bras à Waterloo portait une couronne " Aux mânes des frères Faucher ".Trente-deux officiers du 55° de ligne le suivaient. Cinq discours avaient été prononcés. Une collecte avait permis de récolter des fonds pour l'érection d'un monument dont le plan avait été réalisé par M.Rochefort, architecte. Le 27 septembre 1830, à midi, jour anniversaire de la mort, la première pierre en était posée. Ferrus poursuit son enquête mais ne trouvera rien, les archives ayant sans doute disparu dans l'incendie de la mairie en 1864. En revanche il acquiert la certitude que le tombeau contient bien le corps de Barbier. Le bloc de pierre a été enlevé, sur ordre de la mairie, en 1909. Il ne portait aucune inscription. |
La tombe photographiée par Ferrus dans son guide de la Chartreuse (1911) a disparu, elle aussi. A l'emplacement du 61 bis deuxième série se trouve désormais une sépulture en marbre, moderne.
Conclusion :
Il est à peu près certain que les corps des jumeaux de la Réole ont bien été déposés dans la nuit du 27 septembre 1815 au cimetière de la Chartreuse.
L'emplacement indiqué est plausible. Rappelons que l'exécution a eu lieu dans le secteur. A l'époque, le cimetière n'avait pas encore été agrandi. On peut penser que les fossoyeurs sont allés au plus proche.
Il est attesté que les derniers fidèles de l'empereur venaient se recueillir régulièrement à cet endroit.
Les multiples changements politiques de la première moitié du XIX° siècle expliquent les revirements successifs des autorités locales et de l'opinion publique. Cette période trouble a connu successivement la fin de l'Empire, les règnes de Louis XVIII, Charles X, Louis Philippe, la deuxième République.
Le souvenir des frères Faucher, exécrés par certains royalistes, adulés par les nostalgiques de Napoléon s'est éteint au fil des temps.
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Sources
- Maurice Martin et Maurice Ferrus : la Chartreuse de Bordeaux. Bibliothèque de Bordeaux.
- Projet de monument aux frères Faucher. Bibliothèque de Bordeaux.
- Maurice Ferrus " Bordeaux pittoresque " (deuxième série) 1911.
(01/2016)
Un petit fait divers - l’occasion d’un regard sur ceux dont on parle peu.
Par Girondine.
Paru dans la presse locale
Le Mémorial du 26 juin 1839 |
En savoir un peu plus sur cette affaire de peu d’importance ?
On peut lire, sous la cote 4 M 223 aux AD 33, l’interrogatoire de cette malheureuse femme, transcrit ci-dessous dans son intégralité.
Ecoutons la parole de cette personne. De nos jours, on la situerait « en grande difficulté ». Elle est sans travail et cherche, par de menus larcins, à se procurer quelques sous pour vivre. Son nom évoque le Pays basque. Plus toute jeune, la quarantaine. Elle avait travaillé, comme domestique, chez une madame Malbomet rue des Religieuses (1). Puis pendant 3 ans, c’est chez M. Galos (2) qu’elle avait servi, peut-être à Mérignac (village de l’Allemagne) dans une propriété qui a été vendue et cédée à M Yverns (selon l’article). Marie Hequito, nantie de ses gages, 500 francs, s’était alors retrouvée sans travail et malade. Elle s’était soignée. Après, elle n’avait plus rien. Son logement : sans doute un « mauvais » lit chez une compatriote, « Jeunette, la Bayonnaise » qui tient enseigne de logeur. La nuit, elle s’introduisait dans les propriétés de Caudéran ou des environs. Et elle volait. Des fleurs, des fruits (des cerises), ce qu’elle pouvait trouver et emporter. Et sans doute cherchait-elle à les vendre ensuite. Mais elle avait été repérée. On l’avait vue roder.Après son interrogatoire, elle a été conduite au Fort du Hâ. La suite n’est pas commue. |
Transcription du procès verbal. Aujourd'hui le 25eme jour du mois de juin l'an mil Fait à Caudéran le 25 juin 1839 |
Notes
1. Aujourd’hui, rue Thiac
2. M. Galos – Il s’agit sans doute de Henri Galos,1803-1873 - fils de Jacques Galos, négociant, xécuteur testamentaire de Goya, décédé en 1831.
Henri a été élu député en 1837. A-t-il, à cette époque, vendu sa propriété ?
(02/2014)