Par Girondine
Lorsque pour une raison ou une autre, il n’était pas possible de produire un acte de naissance, notamment lorsqu’il y avait projet de mariage, le juge de paix avait la possibilité d’établir un certificat de notoriété.
Le code Napoléon précisait les conditions à remplir pour valider l’acte.
L’acte de notoriété concernant Marie Viandon du canton de Targon peut servir d’exemple.
La scène s’est passée dans les locaux de la Justice de paix de Targon. Le Juge et le greffier ont entendu les sept personnes aptes à témoigner comme la loi l’y oblige. Les uns et les autres étaient appelés à donner des indications qui devaient permettre de donner une date de naissance pour Marie Viandon, âgée de 19 ans.
Les faits : On peut supposer qu’il y avait projet de mariage pour Marie, ce qui impliquait la nécessité de produire un acte de naissance. Elle serait née à Cessac, dans le village de Redon, il y a 19 ans. Or, que ce soit dans les registres de la mairie ou au greffe, il n’avait pas été possible de retrouver trace de cet évènement. Une requête en vue d’établir un acte de notoriété avait été signée par Jean Moussillac, le deuxième mari de sa mère, illettrée.
Les personnes susceptibles d’apporter leur témoignage avaient été jointes et s’étaient déplacées à Targon. La loi en précisait le nombre : il en fallait sept. Qui étaient-elles ? La mère, deux hommes proches parents et quatre femmes, toutes plus ou moins voisines du hameau, Redon, où la mère avait accouché. C’était il y a presque vingt ans. Depuis lors cette dernière avait quitté le pays et s’était établie à Bellebat avec son second mari. Appel aux souvenirs. Chacune ou chacun avait ses repères (des naissances à cette époque pour certaines, un temps chaud pour un autre), des incertitudes.
Note : l’état civil de Bellebat mentionne le décès de Marie Viandon le 12 septembre 1858. Elle avait 23 ans. |
N° 50
L'an mil huit cent cinquante cinq et le quatre du mois d'avril, devant moi Jean Jacques Murphy, juge de paix du canton de Targon, assisté de Pierre Tirand, notre commis greffier
ont comparu
Marguerite Mailhau, sans profession, veuve en premières noces de sieur Jean Viandon, épouse en secondes noces de Jean Moussillac, propriétaire avec lequel elle demeure dans la commune de Bellebat et le dit Moussillac, agissant par l'autorisation de son épouse,
Lesquels ont dit que du premier mariage de Marguerite Mailhau avec Jean Viandon est née une fille nommée Marie Viandon maintenant âgée de dix neuf ans.
Que la naissance de cette fille ne se trouve pas constatée sur les registres de l'état de la commune de Cessac bien qu'elle y soit née, que cela résulte des recherches qui en ont été régulièrement soit sur les registres déposés à la mairie de Cessac soit sur les doubles déposés au greffe du tribunal civil de La Réole; qu'en conséquence pour tenir lieu de cet acte de naissance et réparer l'omission qui a eu lieu sur les registres ils ont fait réunir aujourd'hui devant vous en vertu de l'article 71 du code Napoléon sept témoins pour faire constater l'époque de la naissance de la dite Marie Viandon. Le sieur Moussillac a signé la présente requête, non son épouse qui a déclaré ne savoir, le tout après lecture.
Montillac
Sont en effet devant nous comparans :
1° la dite Marguerite Mailhau, exposante laquelle a déclaré que Marie Viandon, sa fille la plus jeune est née à Cessac au village de Redon le vingt huit juillet mil huit cent trente cinq. Le parrain fut Jean Mailhau de la commune de Targon et la marraine Marie Aubert, sa tante. Elle a été baptisée à Jugazan le 30 juillet mil huit cent trente cinq. La déposante a produit une note écrite par Jean Viandon, son premier mari, laquelle note constate la même date et les mêmes faits et la déposante déclaré ne savoir signer.
2° Le sr Jean Mailhau, propriétaire cultivateur demeurant dans la commune de Bellebat lequel déclare qu'il ne peut parfaitement préciser l'année de la naissance de Marie Viandon. Il sait seulement qu'elle a été baptisée à Jugazan et qu'il faisait fort chaud quand il s'y rendit; le déposant déclare qu'il est oncle et parrain de Marie Viandon et a déclaré ne savoir signer.
3° le sr Jean Giraud, cultivateur, demeurant à Cessac, cousin de Marie Viandon, lequel déclare: je suis sur que Marie Viandon est née en mil huit cent trente cinq. Je ne peux pas précisément indiquer le mois et le jour; mais comme j'ai eu un enfant dans cette même année nous établissions sa différence qui existait entre l'âge de Marie Viandon et celui de notre enfant. et a signé
Giraud
4° Elisabeth Vigneau, veuve Domuzac, sans profession, demeurant à Cessac, village de Redon qui a déclaré : j'étais très proche voisine de Marguerite Mailheau. Je me rappelle parfaitement qu'elle accoucha le vingt huit juillet mil huit cent trente cinq de sa fille la plus jeune, Marie Viandon et ce témoin a déclaré ne savoir signer,
5° Marie Thomas, femme de Jean Hautefage, sans profession, demeurant à Cessac qui a déclaré être proche voisine de la maison où demeurait Marguerite Mailhau, femme Viandon. Elle se rappelle très bien que la mineure Marie Viandon est née le vingt huit juillet mil huit cent trente cinq. La déposante a déclaré ne savoir signer.
6° Marie Hautefaye, femme Latribeau, sans profession, demeurant à Cessac. Elle déclare qu'elle se rappelle parfaitement que Marie Viandon est née dans le mois de juillet, mais elle ne peut préciser le quantième ni l'année. La déposante a déclaré ne savoir signer.
7° Jeanne Coubillon, âgée de cinquante six ans, sans profession, épouse de Pierre Garine, propriétaire à Cessac. Interrogée par nous pour savoir si elle est mémorative de l'époque à laquelle est née Marie Viandon, la mineure, elle nous dit qu'elle est très mémorative de l'époque de cette naissance qui a eu lieu le vingt huit juillet mil huit cent trente cinq, qu'elle est elle même accouchée d'une fille le vingt quatre août de la même année et c'est ce qui lui rappelle des souvenirs et a déclaré ne savoir signer.
Nous avons interrogé la femme Marguerite Mailhau pour savoir quelles étaient les causes qui avaient pu empêcher le maire de Cessac d'enregistrer la naissance de Marie Viandon sur les actes de l'état civil. Elle nous a déclaré l'ignorer mais elle affirme que déclaration de cette naissance a été régulièrement faite par son premier mari Jean Viandon et la femme Elisabeth Vigneau, veuve Domuzac. Quatre témoins de l'enquête affirment que Viandon passa chez elle alors qu'il allait faire cette déclaration.
Les sept témoins prescrits par l'article 71 du code Napoléon ayant terminé leurs déclarations attendu que la majorité de ces déclarations rapporte la date de naissance de Marie Viandon le vingt trois juillet mil huit cent trente cinq
nous juge de paix du canton de Targon, fixons la date de cette naissance à cette époque, déclarons que l'acte de notoriété de ce jour lui tiendra lieu alors et quand besoin sera de son acte de naissance omis sur le registre de l'état civil de la commune de Cessac.
Fait à Targon le jour, mois et an que dessus et avons signé avec le greffier
Giraud Murphy
ADG 4U 46/13
(06/2013)