Par M. Lambert On peut trouver sous la cote 4 M 224, le rapport du commissaire central concernant une affaire de supposition d’enfant. « Supposition d’enfant », on peut dire aussi : « simulation d’enfant ». C’est de nos jours un délit – qualifié crime en 1859 ? - d’atteinte à la filiation qui consiste dans le fait d’attribuer la maternité d’un enfant à une femme qui n’a pas accouché. On peut lire ci-dessous le texte intégral de cette affaire. |
Acte du 30 avril 1859
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Acte du 4 mai 1859
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Le commissaire de police souhaitait visiblement que cette affaire se règle discrètement.
La suite n’est pas connue.
Les recensements militaires ne portent pas trace de cet enfant quel que soit son patronyme.
Les investigations du côté de l’hospice des enfants abandonnés n’ont pu aboutir, les registres n’étant pas consultables.
Le recensement de 1861 enregistre le couple Destan vivant en couple, sans enfant. Celui de 1866 était illisible et ne permettait pas d’en savoir plus.
ADG 4 M 224 La nommée Suzanne Noguès épousa en 1849 le sr Pierre Antoine Destans, marin chauffeur. Une fille naquit de cette union en l'année 1850, mais elle mourut en 1857 à l'âge de 8 ans en l'absence du père alors en service sur un navire de l'Etat. Rentré chez lui peu de jours après la mort de sa fille Pierre Antoine Destans éprouva un profond désespoir. Sa douleur se calma cependant mais il lui resta cependant une irritation qui se manifestait en reproches violents à sa femme sur la mort de leur enfant et sur sa stérilité présente; il l'accusait en même temps de ne pas lui avoir été fidèle pendant son absence. Celle-ci s'en défendait et pour mettre enfin un terme aux emportements de son mari et à une cohabitation qu'ils rendaient intolérables, elle résolu de simuler une grossesse. Son projet fut mis à exécution; le calme rentra dans le ménage et Pierre Antoine Destans manifesta la joie qu'il éprouvait d'avoir bientôt un enfant. A l'aide de coussins Suzanne Destans se donnait les apparences extérieures d'une femme enceinte. Mais la supercherie ne pouvait durer longtemps sans être découverte et la femme Destans, fort embarrassée d'ailleurs, conçut l'idée de se procurer un enfant et de faire croire à son mari qu'il était le sien. Elle s'adressa successivement aux femmes Sauvignon, Soulié et Senget, accoucheuses, leur confia son secret et leur demanda de l'aider dans sa tromperie; celles-ci lui demandèrent qui 80f, qui 50f, pour ce service et la femme Destans ne revint pas chez elles. Elle s'adressa en dernière ressource à la femme Forthon, accoucheuse rue des Incurables qui lui présenta les dangers d'un pareil acte, refusa de s'y associer, mais consentit à la mettre en relation avec une fille, prête à accoucher afin qu'elles puissent s'arranger ensemble. Cette fille était la nommée Amade (Marie), 22 ans, domestique sans place, enceinte pour la 3° fois et qui consentit à donner après ses couches son enfant à la femme Destans, déclarant en faire un abandon complet et s'engageant à ne jamais le réclamer; cet arrangement fut conclu sans demande ou promesse d'argent de part et d'autre. A partir de ce moment la femme Destans fit porter son propre linge par la fille Amade qui le 29 avril dernier accoucha d'un enfant mâle. En l'absence de m. Destans le linge ensanglanté et l'enfant furent transportés la nuit suivante au domicile conjugal. L'accouchement avait eu lieu le 29 avril à 1 heure après midi et le même jour l'enfant fut présenté à l'Etat civil, inscrit comme fils de Marie Amade et père non nommé et reçut le prénom de Jean Baptiste. La femme Forthon s'était ainsi mise en règle avec le Devoir que lui impose sa profession. Bordeaux le 25 octobre 1859 |
(05/2014)