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Pourquoi présenter ce document de plusieurs pages ? Il est long et sa lecture peut s’avérer fastidieuse. Ne pas cependant se laisser rebuter. C’est un témoignage. Pris sous un angle ou un autre, il permet de découvrir quelques aspects inattendus de la société langonnaise en ce début du 19ème siècle.

Par Girondine.

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Louis XVIII

 

C’est en tout premier lieu un bel exemple de lettre de dénonciation, bien rédigée, fielleuse à souhait, « lèche-botte » peut-on dire. L’auteur, un certain Cluzeau aîné, adjudant major de la Légion de Langon, n’a pas d’état d’âme. Il a ses convictions. Il n’hésite à donner des noms, des commentaires, des coups de griffe pour tous.

Le contexte. C’est le début de la Seconde Restauration, dans cette petite ville d’environ 3000 habitants. Les péripéties diverses vécues par les langonais depuis deux décennies ont peut-être suscité des divergences d’opinions et rancœurs difficiles à situer. Les changements rapides de régime des dernières années ne pouvaient que favoriser le ressassement d’amertume ou au contraire susciter de fols espoirs.
La cible du dénommé Cluzeau, c’était les francs-maçons. On peut penser aussi que le dénonciateur voulait « se faire bien voir ». La dénonciation de cette catégorie de personnes était-elle susceptible de lui apporter quelque avantage ?

Francs-maçons à Langon. Avant la Révolution, il y avait eu une loge, appelée la « Fraternité ». Fondateur : le notaire Boissonneau, ses adjoints : Pierre-Antoine Souyagou et François Bardinet. Les lettres de constitution ont été reçues en 1772. Deux années lus tard, quatorze membres étaient recensés. La loge semble s’être particulièrement intéressée au mesmerisme C’était une doctrine initiée par un certain Mesmer, en vogue à Paris de 1778 à 1785, selon laquelle tous les êtres sont soumis à l'influence d'un fluide magnétique permettant de guérir les maladies, notamment les maladies nerveuses.

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La loge a été fermée en 1790.

Dans les environs à Barsac et à Cadillac, quelques tentatives de constitution de loge pendant l’Empire n’ont pas survécu.

En 1811, trois anciens membres de la Fraternité, les frères Mallac, Desloubes et Poucante auraient tenté de réveiller la loge. Un personnage influent, Huet, alors sous-préfet de Bazas a obtenu les documents nécessaires pour la reconstruction de l’ancienne loge. Mais il a quitté la région.

Plus tard, vers 1814, les chefs de la loge furent requis de s’abstenir provisoirement de se réunir.

C’est seulement en 1840 qu’une nouvelle loge fut reconstituée.

 

Parmi les personnes citées dans le courrier de Cluzeau, on peut s’attarder plus particulièrement sur le dénommé Huet ou pour être plus précis Jean Baptiste Huet de Coetlizan. Originaire d’une honorable famille de magistrats de Nantes, il a vécu sous la Révolution et l’Empire des années riches en péripéties militaires et administratives. Les mois précédant son arrivée en Gironde, il avait séjourné à la Conciergerie à Paris. Une affaire confuse, mal élucidée. Huet avait été acquitté. Il avait 39 ans quand il été nommé préfet de Bazas. Il a été destitué en 1814.
Il n’avait pas laissé ses contemporains indifférents. Aussi peut-on lire sa biographie dans plusieurs ouvrages. Il est décrit ainsi : « Un homme spirituel, instruit, d’un caractère noble et sévère, plein de modération et de patriotisme ».
Il a beaucoup écrit. Les langonais savaient ils qu’il avait publié en 1802 : « Statistiques du département de la Loire Inférieure » et en 1804 « Recherches économiques et statistiques sur le département de la Loire Inférieure » ?
« Il n’était pas très recherché » écrivait le dénonciateur Cluzeau. Huet recherchait-il la compagnie qu’il pouvait juger insipide des langonais ou des bazadais ?
Que peut-on dire des autres personnes dénoncées ?
Certaines avaient fait partie de l’éphémère conseil municipal de la période des Cent Jours (Brannens et Fage), Ricaut exerçait comme instituteur, Thery arrivé à Langon en 1815 a exercé comme médecin de l’hospice jusqu’à son décès.

La suite de ce courrier : Le dénonciateur reçut une lettre le lendemain lui demandant de garder le silence. Le sous–préfet de Bazas avait donné au Préfet de la Gironde quelques informations sur la loge de Langon dans un courrier en date du 26 mai 1816.

En savoir plus :

  • ADG33 1 M 346

  • Coutura (Johel), « La franc-maçonnerie dans l’arrondissement de Langon (XVIII°-XIX° siècle) », Les Cahiers du Bazadais, N°48, 1980, p. 33-50

  • Torlois (Roger), « Aspects de la vie langonnaise sous le Consulat et l’Empire », Les Cahiers du Bazadais, N°49, 1980, p 23-48, N° 50, p 25-38.

  • Coutura (Johel), Les Francs-maçons de Bordeaux au 18° siècle, Editions du Glorit, 1988.

  • Coutura (Johel), La Franc-maçonnerie à Bordeaux, Editions Laffitte, 1978.

  • Sapaly (André), Langon à travers les siècles, Office du tourisme de Langon, 1992.

Deux documents en annexe :


(05/2014)