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Par Monique Lambert

Geraud Malbos, portefaix, âgé de 36 ans est décédé à l’hôpital de Bordeaux le 27 juin 1849. Son frère, lui aussi portefaix, était présent à l’inventaire de la malle et des effets délaissés par le défunt.

Un acte a été rédigé chez Grangeneuve , notaire sous la cote ADG 3 E NC 2227


Un inventaire, parmi d’autres. L’étudier, c’est faire revivre un homme qui a vécu à Bordeaux, adolescent, puis homme fait. Il n’était pas d’ici. Il y est mort, de maladie. Il laissait peu de choses. Un vestiaire modeste, quelques papiers relatifs à des droits successoraux, une affaire auprès du tribunal de commerce. La conclusion d’une vie, ordinaire.

Géraud Malbos n’était pas natif de Gironde, mais du Cantal, de la commune de Saint-Simon (1500 habitants en 1847) pour être plus précis. A sa naissance, en 1813, son père, 31 ans, époux de Marguerite Establie exerçait comme bouvier dans le village d’Oyez. Son frère aîné Jean était né trois ans auparavant.

Quinze ans plus tard, Géraud figure sur le registre des décrotteurs de Bordeaux avec un certain nombre de jeunes garçons venus de Saint-Simon et des alentours. Il porte la médaille N°496 et habite 5 rue Renière dans le centre de Bordeaux.
La fonction de décrotteur étant réservée semble-t-il aux jeunes, il a pris quelques années plus tard  une médaille ou plaque de portefaix. Son frère Jean avait fait de même. Il semblerait que le père, lui aussi, ait travaillé comme portefaix. A Bordeaux ? Un acte le situe comme « colporteur ». Une certitude, les hommes de cette famille gagnaient leur vie hors du Cantal. Migration saisonnière ou de plus longue durée ?
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La profession de portefaix est mal définie. Un arrêté du 17 novembre1834 stipulait qu’ils devaient porter une plaque ou une médaille.  Les quelques restrictions dans l‘exercice de leurs fonctions ne permettent pas de saisir exactement le champ de leurs activités; il semblerait qu’ils aient la possibilité d’appartenir à des « portefaix en bandes ». Associés ou employés ?

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Les documents  écrits soigneusement annotés par le notaire, lors de l’inventaire, laissent à penser qu’à une date, indéterminée, Géraud Malbos s’était associé avec un certain Martial et un entrepreneur de lavage de morue nommé Théodore Falcon. L’affaire ne s’était pas bien terminée. Jugement. Annulation de la société le 14 janvier 1848, avec des frais à payer ce qui laisse supposer qu’il y a eu mauvaises affaires ou conflit entre les partenaires. Il y avait aussi en suspens une dette importante auprès d’un certain Malgouyat, aussi portefaix.

La dernière adresse de Géraud Malbos, c’était rue du Soleil, au n° 1 . Il y avait là une auberge tenue par le Sieur Moussier qui vivait là avec sa famille et ses pensionnaires, des jeunes portefaix. La rue prend dans celle de la Rousselle, vivante, populeuses, animée. Là, c’est dans la morue que l’on travaillait : transport, lavage et séchage.
« La peste ne s’est jamais fait sentir dans la rue de la Rousselle, attendu l’odeur forte qu’y entretiennent continuellement les marchands de morue » a déclaré un certain Bernadau.

Inconfort certes, mais possibilité de trouver du travail. Géraud était resté fidèle au quartier. Vingt ans auparavant c’était dans une rue voisine, rue Renière qu’il avait commencé sa vie bordelaise.
Mauvaise hygiène dans le quartier ou constitution fragile, il est tombé malade. On a fait venir le médecin, qui a prescrit des médicaments. L’affaire s’est terminée à l’hôpital où il décédé.

C’est le frère - il habitait lui aussi dans le quartier - qui a pris en charge les démarches relatives au décès : funérailles (un enterrement très modeste), régularisation des dettes relatives à la maladie et règlement de la succession. La mère, informée de la situation, a renoncé à ses droits.
Restait à faire l’inventaire.

Les objets appartenant à Géraud avaient été mis dans une malle et un carton et portées dans un grenier de la rue du Cerf-Volant en attendant  le jour où maître Grangeneuve pourrait  officier.

13 octobre 1849  Extrait de l'Inventaire.

Le samedi treize octobre mil huit
cent quarante neuf, à trois heures de relevée
A la réquisition et en présence:
Du Sr Jean Malbos, portefaix, demeurant à Bordeaux rue de la Halle N° 1
Agissant comme seul héritier sous bénéfice d'inventaire du Sr Géraud Malbos, son frère germain qui n'avait aucun autre frère ni neveu, par suite de la renonciation à la succession de la Dame Vve Malbos, leur mère commune, faite au greffe du tribunal de Bordeaux le dix huit aout dernier, led comparant ayant accepté la succession aud titre de bénéficiaire par acte au greffe dud jour

Nous Maurice Grangeneuve & notre confrère notaires à Bordeaux, soussignés, nous étant transportés dans la maison située à Bordeaux rue du Cerf Volant N°14 dans une chambre au quatrième étage au grenier allons pour la conservation des droits du requérant & de tous autres qu'il appartiendra, procéder à l'inventaire des effets qui y ont été apportés, renfermés dans une malle...

Téléchargement de l'inventaire complet (pdf)

 

On peut noter la modicité du vestiaire. Trois pantalons, deux vestes et quatre gilets, deux paires de chaussettes et une paire de bas en coton. On peut penser qu’il est parti habillé et chaussé à l’hôpital. A noter le nombre important de chemises (13). Pas de sous-vêtements.par contre un foulard de soie.

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A l’enregistrement de la succession, il a été déclaré un actif de 56 f 80 actif. Il n’était pas fait mention du passif.
Quant au frère du défunt, il est revenu au pays et s’est marié trois ans plus tard avec une cantalienne. Ce n’était pas un illettré; il signait avec aisance.


Sources

Inventaire Grangeneuve : ADG 3 E NC 2227
Registre des décrotteurs : AMB 802 I 1
Etat civil de Saint-Simon (Cantal), de Bordeaux
Enregistrement : ADG 3 Q 4556
Recensements : AMB


09/2013