Par M. Lambert Pendant la durée de la guerre, le bel immeuble, siège à la Chambre syndicale des employés de commerce de la ville de Bordeaux a changé de destination : il est devenu hôpital militaire bénévole. |
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Il a été répertorié très vite : N° 1Bis – « Bis » pour ne pas être confondu avec les autres hôpitaux.
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On peut trouver et télécharger sur Gallica l’évocation de cette aventure, car cela en était une : C’est un témoignage, très marqué par la personnalité de son auteur, un homme qui semblait avoir combiné avec bonheur générosité, gestion et humour. Qui était-il ? Il avait signé A. Bergaud. Après quelques errements, il a été possible de prouver (grâce à Gallica en particulier) qu’il s’agissait de François Albert Bergaud, employé de commerce chez Lalanne, quai des Chartrons, président de la Chambre syndicale des employés de commerce de Bordeaux. |
En 1914, 49 ans, il était marié, sans enfant apparemment. Quelque soit son âge, il ne pouvait partir au front. Il avait été réformé définitivement à 20 ans pour « mauvaise conformation ». On n’en sait pas plus. Cela ne l’avait pas fait obstacle à son dynamisme à la présidence de cette honorable société qu’était alors la Chambre Syndicale des employés de commerce. Créée et autorisée en 1870, elle précisait son but : « Chercher par tous les moyens que pourra suggérer la raison, à réunir les employés de Commerce dans une association libérale qui affirmera leur dignité, élèvera leur esprit et les sauvera de l’isolement » .
Employeurs, négociants, patrons ou chefs de maisons de commerce s’étaient intéressé aux différentes initiatives développées depuis la fondation : caisse de retraite, caisse de secours mutuels, bureau de placement, conférences, cours de langues, dotations de bourses à l’étranger et même… cours d’escrime.
Le 8 novembre 1891, était inauguré le très bel immeuble que l’on peut remarquer de nos jours rue des Trois conils. De très beaux volumes. En ce qui concerne les années qui précèdent la guerre il y a très peu de documents et il est donc difficile de définir les modalités d’occupation des locaux.
Un bâtiment qui n’avait pas été conçu pour recevoir des blessés, un personnel (équipe soignante et ceux qui devraient s’affairer pour la bonne marche d’un établissement un peu spécial) peu préparé à des réalités qu’il a fallu affronter, ce n’était pas gagné ! Pourtant l’hôpital a fonctionné sans interruption pendant toute la durée de la guerre. Pas de pertes financières (une bonne gestion et des dons) et pour les participants (soignants et auxiliaires) une expérience sans doute inoubliable. Quant aux blessés, les témoignages publiés laissent à penser que les survivants avaient trouvé là un lieu d’accueil chaleureux. Sans doute y a-t-il eu des bémols que n’a pas jugés bon de relever M. Begaud.
Quelques pages :
Premiers contacts avec la réalité souffrante :
« Le 26 août 1914, tout était prêt…A 11 heures, cinq voitures arrivent conduisant trente- deux blessés des batailles de Dieuze, Morhange, Lunéville, Nomény, Château-Salins. Tout le monde est sous les rames : sœurs, médecins, infirmières et infirmiers. On débarbouille nos braves soldats, on les change de linge, on les met au lit et la visite commence.
L’impression de cette première visite restera gravée dans notre mémoire. Le médecin-chef Arnozan, avec la bonté qui le caractérise, interrogeait le soldat, sondait la plaie, ordonnait le traitement, puis avec de douces paroles, consolait son blessé. Le dernier soldat à voir était un colonial : Adam, le cuir chevelu gauche arraché, un trou énorme à la boîte crânienne ; la blessure non pansée depuis cinq jours, était vilaine, elle faisait impression, et notre bon docteur de se tourner vers nous, de grosses larmes aux yeux, en nous disant « C’est beau la guerre ! ». Cette exclamation nous est restée dans l’oreille comme la condamnation des carnages et horreurs des champs de bataille. Ce n’est pas dans la mêlée, en pleine action, au bruit des mitrailleuses, des balles et des canons qu’il faut considérer la guerre... Non il faut voir la guerre à l’hôpital, dans cette atmosphère tiède de salle de douleurs... ».
Des cohabitations délicates à gérer :
« Le 14 septembre dans la nuit arrivent huit marocains, armes et bagages. Il est difficile de leur enlever cet arsenal dangereux à tous égards... Un marocain refuse de livrer son révolver ; on lui enlève par surprise l’arme, l’homme est à surveiller...
Le 15 septembre de grand matin nous recevons dix blessés allemands…Les marocains font une mine affreuse en voyant le costume prussien ; veulent zigouiller...
Les allemands sont de grands blessés quelques-uns terriblement... ces hommes profitent de la commisération que tout être doit avoir à celui qui souffre. Ils sont soignés et partagent le bon ordinaire des soldats français moins le dessert et le tabac… Mais les marocains roulent des yeux et montrent des dents féroces : il sera difficile d’empêcher un drame. Tact et diplomatie : il n’y a pas eu de drame.
Cliquer sur l'image pour l'agrandir.
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Remerciements :
La guerre est finie. L’hôpital a fermé. Il importait alors de remercier tous ceux qui ont contribué à la bonne marche de l’établissement : personnel soignant mais aussi les généreux donateurs (notables, négociants, etc.). Beaucoup de noms connus comme faisant partie de la bonne société bordelaise. D’autres, des commerçants, dont il convenait de signaler la générosité et le désintéressement.
Une liste de blessés difficile à établir.
L’auteur cite des noms de blessés - il note certains décès. Ces derniers sont repérables sur le site « Mémoire des hommes ».
On peut regretter de ne pouvoir établir une liste même partielle des bénéficiaires de l’hôpital. Les prénoms ne sont pas notés ce qui limite toute recherche.
(02/2015)
Par M. Lambert. Premiers mois de guerre, des blessés en surnombre sur le front. Les évacuer, les soigner. On a réquisitionné un peu partout pour aménager des locaux de soins. |
La liste de ces établissements peut être consultée sur le site Pages 14-18 Forum.
Est-elle exhaustive ?
S’y retrouver dans les sigles
- Hôpitaux militaires : tout le personnel est militaire
- Hôpitaux mixtes : ils soignaient des militaires et des civils
Les nouveaux hôpitaux créés :
- Hôpitaux temporaires complémentaires (HC)
- Hôpitaux auxiliaires - sous l’égide de la Croix-Rouge (HA)
- Hôpitaux bénévoles - initiatives privées (HB)
- Hôpitaux dépôt de convalescents (HDC)
Des femmes se sont engagées. On les retrouve dans trois organismes dépendant de la Croix Rouge :
- SSBM : Société française de secours aux blessés militaires
- UFF : Union des femmes de France
- ADF : Association des dames françaises
Les blessés arrivaient du front, le plus souvent en trains sanitaires. Ils étaient dirigés vers des structures appropriées à leur état. Des structures qui devaient s’adapter à des soins, ou des traitements inattendus (les dégâts causés par les ypérites - gaz moutarde) par exemple. Il fallait aussi se préoccuper du moral des blessés, assumer les difficultés de cohabitations entre personnes de régions ou de nationalités différentes (français de métropoles, coloniaux, marocains, sénégalais, serbes et même parfois allemands).
Une durée de séjour variable pour des hommes qui retourneront au front d’où parfois ils ne reviendront pas.
Il n’est pas interdit de penser que certains soient restés et auraient fait souche.
Pour illustrer ceci, trois établissements sanitaires sont présentés en annexe :
- Un hôpital bénévole à Bordeaux, rue des Trois Conils.
- L’annexe de l’hôpital de Grand-Lebrun (Caudéran) : La Solitude à Martillac.
- Hôpital de Saint-Denis-de-Pile
On peut aussi aller sur le site dont voici le lien :
http://leonc.fr/histoire/hopitaux/index.htm
pour tout savoir sur les hôpitaux d’Arcachon et de sa région.
A lire dans les Cahiers du Bazadais - N° 188 - mars 2015 un article de Dominique Barraud et François Olier : "Les hôpitaux militaires du Bazadais pendant la Guerre de 1914 -1918". Voir un résumé.
D’autres encore ? Il serait intéressant de les faire connaître
Pour ceux qui seraient tentés de faire un travail approfondi sur les hôpitaux militaires :
http://hopitauxmilitairesguerre1418.overblog.com/dossier-pedagogique-elements-pour-la-constitution-d-un
(02/2015)
Par Daniel Salmon. Le destin des soldats mutilés de la grande guerre a beaucoup ému la population partagée entre compassion et déni. La propagande officielle n'évoquait leur sort que pour magnifier les actes de bravoure. Mais, dès 1915, les Français ne pouvaient ignorer leurs conditions de vie difficiles. Parmi les initiatives développées pour tenter de les réinsérer dans la vie quotidienne, celle de la création de l'atelier du "jouet artistique français", à Bordeaux, est l'une des plus originales. Elle a bénéficié du soutien d'un des meilleurs dessinateurs du temps, artiste de grand renom : Job. |
En 1916, pendant la grande guerre, de nombreux blessés et mutilés sont envoyés à Bordeaux. La ville est loin du front et elle possède plusieurs hôpitaux spécialisés dans les grands traumatismes. Une école de rééducation fonctionnelle, dirigée par le docteur Gourdon, ouvre le l° décembre 1915, rue du Hamel. Les demandes d'inscription conservées aux archives départementales sont particulièrement émouvantes. Merlin Gustave, blessé le 15 octobre 1914, à Berry au Bac a perdu son bras et sa jambe gauches. Titulaire de la croix de guerre, il bénéficie du soutien du secrétaire général de la préfecture de la Haute Vienne. Ce dernier précise qu'à Limoges, il n'a pu trouver l'appareillage nécessaire. Son acceptation à Bordeaux lui permettra de "préparer, à sa manière, sa propre revanche". Le postulant précise dans sa modeste lettre "qu'il vient ici pour obtenir des appareils articulés". (1)
Quelques femmes courageuses décident d'aider les infirmes A leur tête, se trouve Madame Léon Prom, représentante d'une grande famille bordelaise. Ensemble, elles créent, en liaison avec l'école de la rue Hamel, "l'œuvre du jouet artistique français fabriqué par des mutilés de guerre". Elles achètent un immeuble rue Naujac ; se procurent les machines outils nécessaires et sollicitent les marchands de bois locaux. Elles demandent au peintre militaire Job de dessiner des modèles de jouets inédits.
Job est le pseudonyme de Jacques Onfroy de Bréville. C'est un illustrateur réputé de livres pour enfants. Ses grands livres de prix, en exaltant la nation et ses héros, ont bercé les imaginaires de plusieurs générations. Ses ouvrages les plus renommés sont Murat, Jouons à l'histoire, les mots historiques du pays de France, Louis XI, Napoléon, Bonaparte... Il est connu à l'étranger et notamment aux États-unis pour avoir illustré la vie de Washington.
Quand il vient à Bordeaux il a presque soixante ans. Son nationalisme, son talent sont intacts. Il s'enthousiasme pour cette œuvre charitable. Il offre à l'œuvre de nombreux dessins qui vont permettre - selon le prospectus de l'atelier - aux malheureux soldats de fabriquer des jouets en bois et de "s'arracher à la misère, à l'oisiveté, et au découragement".
Les jouets sont en hêtre débité à la scie mécanique puis peints au pochoir. Les têtes sont fabriquées à l'emporte pièce. "Le poilu" - jouet le plus demandé - demande à lui seul plus de soixante manipulations. Malgré leur handicap et la faible rationalisation de la production, les amputés travaillent rapidement. Les mutilés atteints aux membres supérieurs, même ceux n'ayant qu'un bras peuvent "profiter des avantages importants qui leur sont offerts". Ils perçoivent un salaire de 5 francs par jour, et participent aux bénéfices de l'entreprise.
La première année l'usine produit la série complète des troupes alliées. Au début les jouets sont exclusivement militaires : le poilu, le mitrailleur, le porte-drapeau, le cuistot et sa collection de musettes, les brancardiers, les boches. Le maréchal Joffre, sur son cheval de bataille, Foch, inspectant l'horizon, Clemenceau, le vieux tigre et le père Thomas engoncé dans sa blouse bleue. Puis le catalogue se développe rapidement vers des horizons plus civils.
Un jouet seul est vendu entre 2 et 6 francs. Les animaux sur roues valent de 10 à 15 francs. Les prix des articles plus sophistiqués (étable, arche de Noé) atteignent 35 francs. Pour Noël ils sont exposés au magasin de l'œuvre au 29, cours de Tourny. La petite Gironde presse les bordelais d'acheter ces souvenirs en précisant toutefois que si le "stock est considérable nos amis américains se chargent de le réduire à coup de dollars". (2)
La date précise de la fermeture des ateliers de la rue Naujac n'est pas connue. Job offre un dessin à la revue de luxe "Tourny Noël" en 1922. Le journal "le Gaulois" du 7 décembre 1928 présente l'exposition vente qui s'ouvre à Paris au 184, boulevard Hausman.
De cet épisode philanthropique éphémère il ne reste pas grand-chose : l'atelier de la rue Naujac n'existe plus depuis longtemps, absorbé par les immeubles voisins. La splendide affiche de Job est conservée dans les musées. Il subsiste de beaux jouets en bois découpé, chargés d'émotion, qui n'amusent plus les enfants d'aujourd'hui. On peut en admirer au musée de Poissy. L'exposition "des jouets et des hommes" au grand Palais, à Paris, en 2011, en a présenté une vingtaine.
(1) Archives départementales
(2) La petite gironde 1917. Il faut rappeler qu'à l'époque Bordeaux est la tête de pont européenne pour les armées américaines.
(11/2014)
Une expérience de courte durée
Par M.Lambert
Elles ont travaillé dans les usines de guerre à Bordeaux ou à proximité. Combien étaient-elles ? Quelques milliers. Qui étaient-elles ? Sauf exceptions, ce sont des anonymes. Quelles traces ? Surtout des réclamations et des actions revendicatives. Aux archives départementales quelques cotes dans les séries M et R permettent de les approcher.Ce n’est qu’à partir de 1915, qu’il a été fait appel à elles. La guerre devait être courte. Elle durait.. Pas assez de fournitures, ni de munitions. Il fallait réagir. En quelques mois l’Etat a mis sur pied dans toute la France une véritable industrie de guerre. Des industries privées, reconverties ont complété le dispositif public. Il y a eu des délocalisations. Comme l’usine Gevelot (fabrication de cartouches) qui venait de la région parisienne. |
Des salaires relativement attractifs ont attiré les femmes, jeunes ou moins jeunes. Certaines étaient originaires de la région, mais pas toutes ; il y avait des réfugiées ou des « délocalisées » qui avaient suivi le transfert de leur usine. A la Poudrerie de Saint Médard en Jalles, on disait qu’on avait récupéré des femmes venant de maisons de correction !
C’est alors que, qualifiées ou non, elles ont dû s’adapter. De nouveaux gestes, un rythme de vie inhabituel et pour nombre d’entre elles en surplus, les tâches ménagères, la garde des enfants et parfois les soins à un parent âgé.
Dans les usines de guerre, il y avait des femmes mais aussi des ouvriers. Ils étaient qualifiés, en âge d’être mobilisés, mais leurs compétences avaient été jugées plus utiles dans les usines à l’arrière que sur le front. Les ouvrières pouvaient aussi croiser sur leur lieu de travail « annamites », marocains, Kabyles, portugais et autres immigrés qui participaient aussi à l’effort de guerre.
Où travaillaient les ouvrières ? A Bordeaux et sa banlieue ou dans quelques localités de Gironde. C’est ce qui apparaît dans les deux listes qui sont proposées en annexe. Ces deux listes énumèrent les usines qui travaillaient pour la guerre. La première (liste des établissements travaillant pour la défense nationale) présente les établissements qui assuraient la fourniture des objets ou produits nécessaires à la vie des hommes sur le front : chandails et de chaussures, conserves alimentaires, produits d’entretien (savon), etc. Ajoutons les usines frigorifiques, les fabriques de baraques, les minoteries et même les tanneries. La deuxième liste énumère les usines travaillant essentiellement pour fournir les munitions. La lecture des divers documents relatifs aux usines de guerre laisse à penser que ces deux listes sont incomplètes. |
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Ainsi il est fait peu mention des multiples établissements ouverts par la maison Carde à partir de 1916
Il n’y a pas de référence de date. 1916 peut-être ?
Des femmes travaillaient dans des usines de munitions On a décrit un salaire attrayant, un peu supérieur à la moyenne Certains on évoqué les agréments d’une vie facile : « elles portaient des bas de soie, elles allaient au spectacle, elles voyaient des films policiers », disait-on. Presque des privilégiées ... Une autre voix : celle d’une journaliste, Marcelle Capy, féministe et libertaire. Elle avait travaillé quelques semaines incognito dans une usine de guerre.Son témoignage a paru dans La Voix des femmes entre novembre 1917 et janvier 1918 : |
« L'ouvrière, toujours debout, saisit l'obus, le porte sur l'appareil dont elle soulève la partie supérieure. L'engin en place, elle abaisse cette partie, vérifie les dimensions (c'est le but de l'opération), relève la cloche, prend l'obus et le dépose à gauche.
Chaque obus pèse sept kilos. En temps de production normale, 2 500 obus passent en 11 heures entre ses mains. Comme elle doit soulever deux fois chaque engin, elle soupèse en un jour 35 000 kg.
Au bout de 3/4 d'heure, je me suis avouée vaincue.
J'ai vu ma compagne toute frêle, toute jeune, toute gentille dans son grand tablier noir, poursuivre sa besogne. Elle est à la cloche depuis un an. 900 000 obus sont passés entre ses doigts. Elle a donc soulevé un fardeau de 7 millions de kilos.
Arrivée fraîche et forte à l'usine, elle a perdu ses belles couleurs et n'est plus qu'une mince fillette épuisée.
Je la regarde avec stupeur et ces mots résonnent dans ma tête :
35 000 kg ».
Elles ont revendiqué, elles ont manifesté et se sont syndiquées
C’est essentiellement à travers des rapports au préfet ou à d’autres autorités que nous pouvons esquisser les grandes lignes d’une expérience revendicative – pour beaucoup d’entre elles une découverte.
Un tableau joint en annexe présente quelques actions.
Quels étaient leurs motifs de revendication ?
Il y avait des horaires peu en accord avec ceux des moyens de transport. Les heures d’embauche et de débauche ne correspondaient pas aux passages des tramways à proximité des lieux de travail.
Il y avait aussi la gêne occasionnée par des locaux mal adaptés aux manutentions, au travail d’usinage, aux variations de température. Rien n’était prévu pour les pause repas, pris à même la gamelle. Il y avait certes toujours à proximité des restaurateurs. Ne profitaient-ils pas de la situation ? Quelques projets de cantine avaient été avancés.
« Pas assez payées », disaient-elles. Salaires, primes et « boni » ne leur permettaient pas de vivre. Un constat : depuis le début de la guerre la vie avait beaucoup augmenté.
Quelques exemples
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Tableau publié dans N° 4 I. A.E.S p.41 et suiv.
Elles ont obtenu, parfois, satisfaction sur certains points, mais rien n’était définitivement acquis. Il leur fallait revenir, insister et discuter à nouveau. Il a été beaucoup question de « boni », une variable d’ajustement.
Les ouvrières pensaient que les patrons en profitaient. Le patron des usines Carde n’a-t-il pas acheté une belle propriété ?
Leur encadrement : des hommes, autre motif de réclamation. Certains abuseraient de leur autorité pour « profiter de la faiblesse des femmes et leur faire des propositions malpropres ».
Mais sujet le plus controversé, c’est celui de la définition des équipes de travail, de leur nombre et de leur durée. Travail en 2 équipes ou en 3 ?
Trois équipes : cela suppose un travail de nuit :
« 1 heure, 2 heures, 3 heures. L’aube balaie les vitrages. Les visages se décomposent. Les yeux s’enfoncent, les joues se creusent, les lèvres s’abaissent, les bras meurtris demandent grâce. Les jambes fléchissent. Le regard fixe, la bouche lourde, le corps appesanti, les vêtements collés à la peau, mes compagnes s’agitent dans le demi-jour blême. C’est l’heure de la grande fatigue. C’est l’heure de la grande volonté. Il faut produire quand même, il faut produire car la machine commande etqu’au dehors la misère guette... Lorsque vient enfin l’heure de la délivrance, ce sont des loques sue l’usine jette à la rue » décrivait Marcelle Capy.
Les avis s’opposaient. Ouvrières, ouvriers, patrons et syndicats avançaient tour à tour propositions et contre-propositions. Mais la menace du chômage s’est peu à peu insinuée. . Les syndicats ont pris position : temps de travail plus courts qui maintenaient dans les usines plus de personnel. Ce qui n’était pas le choix d’ouvrières tentées par des journées plus longues et donc des salaires plus élevés.
Leurs modes d’action :
Avaient-elles connu avant leur embauche des formes d’actions collectives ? On ne sait, mais il est certain qu’elles se sont retrouvées, parfois très nombreuses, (jusqu’à 500 en juillet 1917) à des réunions à l’Athénée (rue des 3 Conils) ou à la Bourse du travail (42, rue de Lalande). Elles écoutaient, prenaient parfois la parole et discutaient des problèmes posés.
Elles ont utilisé l‘arme de la grève. Menaces souvent, grève des bras croisés parfois et en dernier recours absence sur le lieu de travail
En annexe, un tableau où sont mentionnés quelques établissements dans lesquelles des femmes ouvrières ont posé des revendications avec plus ou moins de succès (liste non exhaustive).
Elles également été partie prenante des mouvements de revendications manifestés dans de nombreuses villes de France en 1917.
Couturières en grève à Paris en 1917 |
Plus spectaculaire, le coup d’éclat des ouvrières de la Poudrerie de Saint Médard : elles ont arrêté des trains transportant les ouvriers.
Les syndicats soutenaient, encourageaient tous ces mouvements. Le syndicat des métaux en particulier, animé par des ouvriers qui ne manquaient pas de personnalité. On peut citer Georges Gaye, « pacifiste », Jean Mandes- France, «anarchiste ». C’est à eux que l’on doit en Gironde l’émergence d’un syndicat d’ouvrières d’usines de guerre.
Des femmes y ont tenu leur place (présidente, secrétaire, trésorière).
On aurait voulu en savoir plus sur elles. Les rapports mentionnent des patronymes à l’orthographe imprécise, pas de prénoms. C’était surtout les hommes, reconnus, qui avaient la parole.
Les ouvrières ont-elles saisi toute l’ambiguïté des réactions de leurs camarades syndicalistes masculins? Ils soutiennent certes un syndicat d’ouvrières – qu’ils contrôlent d’ailleurs – mais en même temps ils craignent que la présence massive des femmes après la guerre ne leur fasse une concurrence déloyale ; le patronat en effet appréciait précision dans le travail et docilité, des qualités toutes féminines.
Et l'expression d'Alphonse Merrheim, secrétaire des métaux CGT, en décembre 1916, est significative de l'état d'esprit dans la CGT: "Quelle que soit l'issue de la guerre, l'emploi des femmes constitue un grave danger pour la classe ouvrière. Lorsque les hommes reviendront du front, il leur faudra lutter contre ces dernières qui auront acquis une certaine habileté et toucheront des salaires différents. "
A la fin 1917, rien ne va plus !
On décèle déjà des carences au niveau des fournitures de matériel - et en 1818, c’est surtout une prévisible montée du chômage qui a accentué la mobilisation des femmes. On a pu les voir manifester rue, dans le calme.
En février 1918, on envisage les priorités : « Il faudrait commencer par renvoyer les femmes de la campagne, les étrangers, les ouvrières dont le mari est mobilisé dans une usine et les célibataires ».
Le 11 mars, lors d’une réunion, il est évoqué la possibilité pour « les pouvoirs publics de remplacer le travail de guerre par le travail de paix et d’établir dès maintenant un programme de travaux d’après-guerre ». Lors de cette même rencontre, le philosophe Ruyssen constate « avec plaisir que les nécessités du jour ont amené les femmes à se solidariser et à se grouper dans les syndicats. C’est dans les organisations syndicales que la femme relèvera non seulement son salaire, mais aussi son moral et sa dignité ». Mais, dans le même discours il évoquait « les beautés de la maternité qui devra être féconde après la guerre pour la reconstitution de notre race ».
Une conception du rôle de la femme dans la société qui était dans l’air du temps. En 1918, le congrès de la CGT de juin énonce que « fidèle à ses conceptions d’émancipation, il considère que la place de la femme est au foyer ».
Il y eu l’inévitable vague de licenciements. Parfois, avec prime, parfois sans rien.
Des caisses de secours ont été mises en place, des subventions accordées.
Mais il était bien entendu que l’on ne demandait plus alors aux femmes de travailler...
Des documents à télécharger (Pdf) |
Pour en savoir plus...
Catalogue de l’exposition : «L'autre front, les femmes de Gironde au temps de fa Grande Guerre (1914-1918) ».
Publié à l’occasion de l’exposition « L'AUTRE FRONT : les femmes de Gironde au temps de la Grande Guerre (1914-1918). », présentée en salle des voûtes de novembre 2014 à mars 2015, ce catalogue propose une synthèse sur le rôle des femmes en Gironde pendant la Grande Guerre, à travers plusieurs approches thématiques :
- Les femmes girondines dans la guerre économique, par Hubert Bonin.
- Les conditions de travail et de vie des Girondines engagées dans la guerre économique, par Hubert Bonin.
- Des femmes au travail, des femmes en grève, par Alexandre Fernandez.
- Les femmes protestantes de Bordeaux et la Grande Guerre, par Sèverine Pacteau de Luze.
- Femmes et politique en Gronde autour de la Grande Guerre, par Bernard Lachaise.
Documents d'archives et bibliographie complètent l’ensemble.
- Date parution : novembre 2014
- ISBN: 13978-2-86033-0
A commander aux Archives départementales de la Gironde.
Sources
- ADG : 1 M 612 – 1 M 655 – 2 R 183 – 2 R 184 – 10 R 34 – 10 R 36 – 10 R 37
- La petite Gironde
- Institut Aquitain d’Etudes Sociales (I.A.E.S.), La classe ouvrière bordelaise face à la guerre - (1914-1916) – N° 4 – 1976
Morin-Rotureau (Evelyne), Combats de femmes 1914 - 1918, Les françaises, pilier de l’effort de guerre . Editons Autrement, Paris 1914
Thébaud (Françoise), La femme au temps de la guerre de 14, Petite bibliothèque Payot Histoire, 1913 - La chanson « Tourneuses d’obus » peut être écoutée sur You Tube.
(09/2014)
Vos ancêtres se sont peut-être réfugiés en Gironde
au cours des 19ème et 20ème siècles
Quelle que soit leur nationalité - française, espagnole, belge, serbe, russe, polonaise, … - retrouvez-leur trace.
Par F.Frugier & D.Hourdebaigt. Au cours de l’histoire, il n’est pas rare que les populations de certains pays ou de certaines régions aient été amenées à se déplacer et la France a souvent accueilli des réfugiés fuyant un régime politique, une guerre, des épidémies, ... Dans le cadre de recherches généalogiques et en raison de ces mouvements, il est possible de perdre pendant quelques années - ou définitivement - la trace de ses ancêtres. |
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Dans ce domaine aussi, les Archives départementales de la Gironde gardent de riches informations sur de nombreux réfugiés ou déplacés en provenance, selon l’époque, de Russie, de Pologne, d’Espagne, de Serbie, de Belgique...
A l’intérieur de ce grand chapitre des Réfugiés, les deux guerres du XXème siècle tiennent évidemment une place importante en ce qui concerne les déplacements de population...
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Dans ce domaine aussi, les Archives départementales de la Gironde gardent de riches informations sur de nombreux réfugiés ou déplacés en provenance, selon l’époque, de Russie, de Pologne, d’Espagne, de Serbie, de Belgique... A l’intérieur de ce grand chapitre des Réfugiés, les deux guerres du XXème siècle tiennent évidemment une place importante en ce qui concerne les déplacements de population... |
Nous sommes une équipe de bénévoles et avons précédemment travaillé sur les affaires militaires dans la série R des Archives départementales de la Gironde et à cette occasion, nous avons été émus par les listes de réfugiés. Notre région n'a pas connu de tels mouvements de fuite de population et nous n'en sommes pas marqué dans notre histoire récente. L'émotion ressentie nous a amenés à réfléchir à un moyen d'aider les généalogistes à recomposer ce passage plus ou moins long passé dans notre région par leurs ancêtres. Nous avons donc choisi de travailler sur cette question et de livrer ce que les Archives départementales de la Gironde entreposent dans leurs fonds.
Très vite la nécessité d'effectuer des relevés pour permettre à chacun de reconstituer une partie de la vie d'un ancêtre - voire d'une famille entière - lorsqu'il était présent dans notre région.
Nous espérons que ceci vous sera utile et nous aimerions que vous nous indiquiez si nos travaux vous ont rendu service ou si au contraire vous n'avez pas trouvé ce que vous cherchez. Tous les documents à partir desquels nous avons fait nos relevés sont écrits à la main ; en général de manière assez lisible, mais pas toujours... ce qui fait que la personne que vous cherchez est peut-être bien mentionnée mais nous l'avons mal lue. Ensemble nous pourrons rectifier les erreurs et puis ne gâchons pas notre joie... un petit message fait toujours plaisir !
Quelques liens utiles pour les recherches concernant des réfugiés...
- Archives départementales de la Gironde : https://archives.gironde.fr
- Archives de Bordeaux métropole : https://www.bordeaux.fr/p63900
Documentation
- Site Persee : Les réfugiés de guerre dans la société française (1914-1946)
- Musée du Chemin des Dames : Chemins de civils en guerre
(02/2014)